Concours Reine Elisabeth: et pour conclure en beauté, deux sopranos, deux mondes
La perfection de Julia Muzychenko-Greenhalgh, la joie explosive de Carole-Anne Roussel.
- Publié le 04-06-2023 à 08h18
- Mis à jour le 04-06-2023 à 08h21
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La fièvre monte au Bozar, et c’est dans une ambiance survoltée que démarre cette fin de finale, ouverte sur l’entrée sensationnelle de la soprano russo-allemande Julia Muzychenko-Greenhalgh (en photo d'illustration principale), 28 ans, glissée dans une spectaculaire robe de satin rose poudre, décolleté généreux, épaules nues, manches bouillonnées, le grand jeu. Bon choix que l’air de Manon – “Profitons bien de la jeunesse” – (Massenet), inscrit dans le droit fil des moyens et du tempérament de la soprano (même si sa diction française est discutable). La voix est exceptionnelle – longue, brillante, souple, notant toutefois une certaine stridence dans le suraigu -, la conduite est parfaitement maîtrisée et les effets aménagés avec habileté (le public, subjugué, applaudit à chaque fin de phrase…). L’extrait de La Fille de la neige de Rimski-Korsakov est carrément sublime, avec ses longues phrases legato, suspendues, aux aigus pianissimo et expressifs, et on regrette un peu que la chanteuse reste dans la même ambiance avec une mélodie de l’opus 21 de Rachmaninov, tant on aimerait explorer chaque facette de son talent. L’occasion en sera heureusement donnée avec “E strano”, l’air mythique de Violetta dans La Traviata, de Verdi. L’introduction est sobre, recueillie (si l’on peut dire) et, aux moments où la passion déferle, sentiment amoureux, déni, sursaut, tout y est, en ce compris la puissance, le déploiement des couleurs, la maîtrise absolue des vocalises (seul le contre mi-bémol final sera un peu tendu, et encore…) et même l’émotion. La seule réserve portera sur le caractère convenu du jeu scénique et, en amont, de l’esthétique générale de l’interprétation.
”Encore tout étourdie”
Après une intervention de Bernard Foccroulle, président du Jury, remerciant chaleureusement l’Orchestre Symphonique de la Monnaie et son chef Alain Altinoglu, la soprano canadienne Carole-Anne Roussel, 28 ans (élève d’Hélène Guilmette, ancienne lauréate du concours…), fait son entrée sur le plateau. Dans l’air malicieux de Norina (Don Pasquale de Donizetti), on la découvre solaire, souriante et décontractée – qualités rares en ces circonstances – mais la voix manque de rondeur et les aigus, trop souvent donnés en pleine force (et trop haut), en deviennent passablement ingrats. “Je suis encore tout étourdie”, issu de Manon de Massenet va comme un gant à la finaliste si l’on excepte ces aigus ingrats et violents qui vous prennent par surprise et rompent la ligne de chant… Le contrôle est meilleur dans “Säusle, liebe Myrthe”, de l’opus 68 de Strauss, spirituel, expressif, donné prudemment dans des nuances pianos. On y note aussi une façon admirable d’énoncer et d’habiter le texte. Le rôle sensible d’Anne Trulove va bien à Carole-Anne et, à nouveau, on admire son sens de la scène, sa facilité à faire vivre un personnage, son naturel et son rayonnement.”
