François Weyergans, "pitre" bardé de prix

"Quarto" réunit, en un volume, sept romans de l’auteur belge de "Franz et François".

Francis Matthys
François Weyergans lors de la publication de "Trois jours chez ma mère".
François Weyergans lors de la publication de "Trois jours chez ma mère". ©Photo News

Quatre ans après sa disparition à Paris le 27 mai 2019, François Weyergans - né à Etterbeek le 2 août 1941 - se voit honoré par la réédition de sept de ses romans (parfois autobiographiques) dans l'excellente collection "Quarto". Établi par Danielle Bordes, Basile Rochefort et Métilde Weyergans, le volume contient Le Pitre (1973), Macaire le Copte (1981), La Vie d'un bébé (1986), Je suis écrivain (1989), La Démence du boxeur (1992), Franz et François (1997) et Trois jours chez ma mère (2005). En appendice : Weyergans et le cinéma (critiques et filmographie).

L’écriture, les femmes, le cinéma

Trois passions étoileront le chemin de ce créateur polyvalent, attachant comme un personnage de Truffaut : l’écriture (dès l’enfance), les femmes et le cinéma ; c’est par ce dernier qu’il se fait connaître avant de s’adonner à la littérature. En 1961, il tourne un court métrage sur les répétitions d’un pas de deux créé par Maurice Béjart, dansé par Tania Bari et Germinal Casado (avec Delphine Seyrig en voix off). L’amitié de François avec l’illustre chorégraphe et leur collaboration artistique dureront quarante ans.

De père belge et de mère française, le futur réalisateur de Couleur chair (en 1976, avec Véruschka, Jorge Donn et Anne Wiazemsky) grandit, avec ses quatre sœurs, au sein d'un milieu intellectuellement élevé, son géniteur - Franz Weyergans - étant un romancier, essayiste et critique de cinéma d'un catholicisme intransigeant.

Collégien à Saint-Michel puis à Saint-Boniface (à Ixelles), François éblouit ses professeurs par sa déjà "immense culture littéraire et cinématographique". Il s'inscrit à Saint-Louis pour suivre les cours (qu'il abandonnera) de philologie romane, en fol amoureux du langage qu'il ne cessera d'être. Parti pour Paris en 1960, il y est reçu premier au concours d'entrée de l'Institut des hautes études cinématographiques. À la même heure, accueilli par Eric Rohmer, il commence, à 19 ans, à publier des chroniques dans les Cahiers du cinéma. François W. mettra en scène des moyens et des longs métrages, parmi lesquels Aline, en 1966, d'après l'œuvre de Ramuz (interprété par les écrivains Louis-René des Forêts et Pierre Klossowski), et Maladie mortelle, en 1975, avec Anny Duperey et Laurent Terzieff.

Le silence du père

Inspiré par sa psychanalyse chez Jacques Lacan, paraît chez Gallimard, en septembre 1973, son premier roman, Le Pitre, dont la rédaction avait commencé en 1968 et qu'en mai 1974 couronnera le prix Roger-Nimier. Dès sa sortie, François en adresse un exemplaire à son père qui ne lui répondra pas. Franz Weyergans déteste ce livre qui l'écœure et n'aura plus le moindre contact - verbal ou écrit - avec son fils, jusqu'à sa mort, six mois plus tard, le 8 février 1974. Un silence qui bouleversera François : l'émouvant Franz et François (Grasset, 1997) en témoignera.

Pour Macaire le Copte, roman sur un chrétien du IVe siècle en Égypte, il reçoit le Rossel en 1981 (prix que son père avait obtenu en 1969 pour L'Opération) ainsi qu'en janvier 1982 le prix des Deux-Magots. D'autres fameux lauriers l'attendent alors : le prix Renaudot en 1992 pour La Démence du boxeur et le Goncourt en 2005 pour Trois jours chez ma mère.

Élu en 2009 à l’Académie française, il y sera reçu le 16 juin 2011, jour où - attendu pour son discours - le récipiendaire arriva sous la Coupole avec un quart d’heure de retard. Du jamais vu qui fit rire jaune les habits verts.

Sensible à l’extrême

François Weyergans était réputé pour les tardives remises de ses manuscrits aux éditeurs car il estimait qu'un texte n'est jamais "fini". Des retards qui se compteront en années, parfois. Dans un entretien qu'il nous accorda en décembre 2005, à Paris, François W. admettait que "les horaires sont structurants. Mais, pour écrire, j'ai besoin de cette angoisse : ne pas avoir d'horaire".

Dans sa préface au "Quarto", Frédéric Beigbeder salue François Weyergans : "Sa modernité vient de l'image. C'est pour cela qu'à la fin de sa vie, il ressemblait physiquement à Jean-Luc Godard". Et le 20 octobre 2022, dans son Discours de réception à l'Académie française (Gallimard, 146 pp., 17 €), l'historien, critique d'art et de bandes dessinées Pascal Ory prononça l'éloge de son prédécesseur ; le mémorialiste de Jouir comme une sainte observe que l'auteur de Salomé (Léo Scheer, 2005) appartenait "non à l'auguste confrérie des noctambules mais des écrivains de nuit. Ses amis, quant à eux, décrivent un être sensible à l'extrême, insolite mais pudique, imprévisible mais généreux". Dont les battements d'ailes étaient ceux de son cœur.

--> ★ ★ ★ Romans | Romans | François Weyergans | Gallimard, collection "Quarto", 1 366 pp. + 71 documents, 34 €

EXTRAIT

“Ce fut dans cette pièce, où se trouvaient en permanence trois ou quatre mille livres, que j’attrapais le virus de la maladie inguérissable qui m’oblige à entrer dans une librairie dès que j’en vois une.”

in “Franz et François”(1997)

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