Avec "La maison dorée", Jessie Burton offre une suite à "Miniaturiste"
Jessie Burton signe la suite de "Miniaturiste", qui s'est vendu à plus d’un million d’exemplaires.
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- Publié le 07-06-2023 à 21h00
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Miniaturiste en 2015, Les filles aux lions en 2017, Les secrets de ma mère en 2020 : en trois romans seulement, Jessie Burton a conquis un public fidèle en s'offrant le statut envié de conteuse hors pair, maîtrisant avec brio des intrigues riches en rebondissements. Après avoir surpris ses lecteurs en les emmenant dans des univers trois fois différents (mais toujours à travers des trajectoires de femmes) avec une aisance désarmante, la romancière anglaise donne une suite à Miniaturiste, tableau convaincant du XVIIe siècle hollandais. Vendue à plus d'un million d'exemplaires de par le monde, cette épopée voyait une jeune épouse trouver son chemin après avoir affronté une réalité déroutante où pointait l'étrange. Visée féministe, mystère, héroïnes confrontées à leur destin : La maison dorée, page-turner efficace et enlevé, en est la suite.
Commencer sa vie
Nous sommes à Amsterdam en 1705. Au moment de fêter ses dix-huit ans, Thea ne rêve que d'une chose : échapper à "une enfance prolongée et rance" et commencer sa propre vie. Le seul cadeau qu'elle convoite est la parole qui briserait enfin le silence savamment entretenu par ses proches à propos de sa mère, morte en lui donnant la vie. Née des amours interdites entre Marin Brandt et Otto, le secrétaire noir de Johannes (qui était le frère de Marin), Thea est une enfant métis qui a été maintenue dans une bulle pour mieux la soustraire aux ragots. Car si Amsterdam est une ville portuaire qui brasse les différences, la bonne société y demeure peu encline à accepter sans ciller la couleur de peau de Thea, au grand dam d'Otto, mais aussi de sa tante Nella et de leur domestique Cornelia.
Tous les quatre vivent dans une grande maison qui, au fil des ans, a été dépouillée de ses attraits pour combler les finances toujours plus déclinantes de la famille. Leur avenir est désormais entre les mains de Thea : un mariage avantageux permettrait de les sauver. Mais la jeune femme au tempérament de feu, passionnée de théâtre, ne pense qu’à Walter, l’artiste qui y peint de si somptueux décors, son amant depuis quelques mois.
Mystérieuses miniatures
Entre-temps, de mystérieuses figurines miniatures ont fait leur apparition dans la vie de Thea, déposées sur le seuil de la maison à son intention. Dix-huit ans plus tôt, alors qu’elle venait de se marier, Nella avait elle aussi reçu des petits personnages exquis de réalisme et de beauté. Ces êtres factices l’avaient alors ravie autant que troublée, tant ils semblaient anticiper l’avenir. Thea saura-t-elle comprendre le message de cette offrande qu’elle perçoit comme personnelle et encourageante ?
Ingénieuse et subtile, Jessie Burton (Londres, 1972) ne se contente pas ici d’exploiter le filon du dilemme entre passion et raison : elle orchestre intelligemment une situation délicate où pèsent de tout leur poids la honte, le secret, la différence, les absents. Le théâtre y apparaît comme une source de fiction réconfortante, l’amitié comme une valeur refuge, la famille comme un rempart aussi fragile qu’il demeure ultime.
La honte demeure chez eux un diablotin sombre, assis dans chaque recoin de la maison.
Centré sur Thea, La maison dorée donne aussi à Nella un rôle d'importance, faisant d'elle un personnage aussi riche qu'attachant. De telle sorte qu'il est impossible de les départager pour savoir laquelle des deux tient le premier rôle.
"Nos histoires ne peuvent avoir qu'une seule fin, c'est ce que répète souvent tante Nella. Nous aimons croire qu'il existe plusieurs issues, dit-elle : mais notre destin n'est pas entre nos mains, il ne l'a peut-être jamais été." Un espoir demeure toutefois, proclamé sur l'inscription qui orne la demeure des Brandt : Les choses peuvent changer.
--> ★ ★ ★ Jessie Burton | La maison dorée | roman | traduit de l'anglais par Laura Derajincki | Gallimard | 457 pp., 24 €, numérique 17 €