Sous l’inspiration de Victor
Un concert solaire, offert par Camille Thomas et Julien Brocal
- Publié le 07-06-2023 à 20h43
- Mis à jour le 08-06-2023 à 10h34
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Transformer la douleur en lumière, et maintenir dans la lumière le souvenir d’un enfant : c’est ce que réalisent les parents de Victor, enlevé à la vie à l’âge de treize ans, en jouant, un accident. Patricia Vergauwen, médecin, et Francis Van de Woestyne, ancien rédacteur en chef de La Libre Belgique (qui signe depuis les “États d’âme” du samedi), ont en effet fondé en 2017 le Fonds Victor, qui, par des actions concrètes et ciblées, encourage la lecture chez des jeunes de 12 à 15 ans (près de 8500 enfants déjà mobilisés !). Avec, comme moteur, cette réflexion : Un enfant qui lit sera un adulte qui pense.
D’un siècle à l’autre
Or, cette année 2023 est celle des vingt ans de Victor, et c’est bien Victor qui fut fêté mardi lors d’un concert donné – offert, peut-on préciser –, au profit du Fonds, par la violoncelliste Camille Thomas et le pianiste Julien Brocal à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, également partie prenante. Camille est franco-belge, elle fut notamment proclamée Révélation aux XXIe Victoires de la musique et compte parmi les violoncellistes étoiles de sa génération ; Julien est tout à fait français, ancien de la Chapelle, révélation BBC 2022, et se distingue, outre son art, par la création en 2020 du Jardin Musical, foyer de résistance devenu cercle de concerts à part entière. Devant un auditoire comble, comprenant de nombreuses personnalités, (dont plusieurs ministres et le cher Adamo), les musiciens présentèrent un programme dédié à Chopin. On sait que Chopin ne composa qu’une seule sonate étrangère au piano – celle pour violoncelle, op. 65 – mais celle-ci peut-elle remplir tout un concert ? Comme l’annonça la facétieuse Camille Thomas, le compositeur comptait parmi ses amis proches Auguste Joseph Franchomme (1808-1884), un des plus illustres violoncellistes de son temps (lui aussi), compositeur à ses heures, qui réalisa diverses transcriptions, dont les célèbres préludes n° 4 et 15 de l’op. 28, et la valse op. 34 n°2 qu’on entendit mardi. Et puisque Camille Thomas joue le fameux Stradivarius “Feuermann” qui appartint à Franchomme, le public put se dire que ces mêmes œuvres furent jouées il y a cent cinquante ans sur le même instrument.
Le naturel, fruit de la maîtrise
Le son de Camille Thomas est une voix, éloquente et sensible, c’est aussi un chant conduit avec art, tantôt intime, tantôt déclamatoire, parfois même débridé, comme dans la spectaculaire Rhapsodie hongroise de David Popper (1843-1913), donnée en fin de concert. En duo concerné avec Julien Brocal – qui l’autorisait, en quelque sorte, à lui dérober les plus belles mélodies de son propre répertoire – la violoncelliste développa progressivement un monde d’émotions et de beauté dont le naturel confondant – les commentaires pleins d’humour de la musicienne en firent partie… – procédait aussi d’un formidable métier. Le duo n’avait joué que l’Allegro initial de la fameuse sonate op. 65, le Largo, donné en bis, fut la conclusion recueillie d’un concert lumineux, et joyeux.