Paul Cuvelier, le crayon, le pinceau et la plume
Du dessinateur de "Corentin", publication des lettres adressées à celle qui fut le grand amour de sa vie.
- Publié le 08-09-2023 à 13h00
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Paul Cuvelier appartient à l'histoire de la Bande dessinée pour avoir créé Corentin Feldoë, ce blond adolescent breton du XVIIIe siècle qui débarque en Asie pour vivre deux volumes d'extraordinaires aventures avec le jeune hindou Kim, la princesse Sa-Skya, le tigre Moloch et le gorille Belzébuth. Dans un troisième volet (en 1949), c'est son petit-fils qu'on voit évoluer chez les Peaux-Rouges. Des albums qui laissèrent d'impérissables souvenirs à celles et ceux qui les lurent, il y a des décennies d'ici.
Corentin apparut le 26 septembre 1946 dans le premier numéro du journal Tintin. Cuvelier, à 23 ans, fut alors l'un des dessinateurs de cet hebdomadaire aux côtés d'Hergé (qui l'admirait), de Jacques Laudy et d'Edgar Pierre Jacobs. Fabuleux quatuor !
Éblouissants dons graphiques
Ne revenant à Corentin qu'en 1958, Paul Cuvelier considérait la bande dessinée comme un gagne-pain ; il s'y consacrera néanmoins consciencieusement. Né à Lens, près de Mons, le 23 novembre 1923, il manifesta très tôt d'éblouissants dons graphiques. Éminent hergéologue, unanimement salué à ce titre, Philippe Goddin fit en 1973 la connaissance de ce "dessinateur sublime" dont "l'imaginaire puissant" l'émouvait. Ils se lièrent d'amitié. Terrassé par un cancer généralisé, P.C. mourut à Mont-sur-Marchienne le 5 juillet 1978. En 1981, Philippe Goddin publia, chez Magic-Strip, Paul Cuvelier-L'Aventure artistique, puis, au Lombard, en 1984, Corentin et les chemins du merveilleux, réédité en 2006 : à lire absolument.
Intranquille histoire d’amour
Au cours de l’été 1949, dans les environs de Mons, Paul Cuvelier rencontra Ta Huynh-Yen, une Vietnamienne de 18 ans qui donnait une conférence sur son pays meurtri, envoyée en France par ses parents pour échapper à la guerre ravageant l’Indochine.
Commence là une intranquille histoire d’amour (puis d’amitié) où alterneront désirs et déserts, ciels d’azur et ciels en pleurs. Ils s’écriront entre 1949 et 1973 ; un flot de lettres (Yen détruisit la plupart des siennes) révélant une plume étincelante : de longues pages où l’artiste exprime son amour éperdu pour celle qu’il rêva en vain d’épouser.
L’obsession du corps féminin
Ces lettres ainsi que des documents de Paul Cuvelier sont choisis et commentés avec ferveur par Philippe Goddin avec la collaboration de notre excellente consœur Martine Mergeay, critique musicale à La Libre Belgique depuis 1991.
Dans ses missives, Paul Cuvelier chante sur tous les tons sa Yen chérie, l'idéalisant peut-être, mais parle aussi avec lucidité de ses soucis matériels ou des efforts que réclame la mise en page des planches de Corentin. Un bourreau de travail, au moral à turbulences, qui avait "l'obsession du corps féminin" comme en témoignent certains de ses dessins et peintures. Ce sont les deux filles de Ta Huynh-Yen (1931-2004) qui ont confié aux auteurs les 583 feuillets de la correspondance de Paul Cuvelier conservée par leur mère.
--> ★ ★ ★ Le Mystère Paul Cuvelier | Correspondance illustrée | Philippe Goddin, Martine Mergeay | Les Impressions Nouvelles, 616 pp. Prix 29 €
EXTRAIT