Safe zone, bénévoles ambulants, présence de professionnels… Comment réduire les risques d’agressions sexistes et sexuelles en milieux festifs ?
On les a vus partout cet été : les espaces dédiés à l’accueil de victimes de violences sexistes et sexuelles et de discriminations se multiplient dans les festivals. Des initiatives qu’on pourra retrouver dans différents événements à venir. Une manière de rassurer le public et de le sensibiliser au consentement.
- Publié le 10-09-2023 à 16h13
- Mis à jour le 10-09-2023 à 16h19
Avec leur tee-shirt rose et leur grand ballon, on ne risque pas de les manquer. La quarantaine de bénévoles de la “Care Team” déambule sur le site de Couleur Café. On les aperçoit dans les concerts, près des bars, autour des espaces de détente. Objectif : être le plus visible possible. Ceux-ci sont chargés d’intervenir en cas de situations problématiques, de recueillir des témoignages, d’identifier quels endroits du site peuvent présenter un danger et, surtout, de sensibiliser le public à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
À côté de la Croix Rouge, le centre névralgique : un stand appelé “Care Zone”, un espace sécurisant, un lieu d’écoute où chaque festivalière et festivalier peut venir se confier, signaler des comportements abusifs, dénoncer des discriminations, chercher des ressources. Des membres du CPVS (Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles), des psychologues et des bénévoles formés à l’écoute active sont présents. Et si certaines personnes préfèrent rester anonymes ou garder leurs distances, des professionnels sont également joignables par téléphone pendant les trois jours de festivités.
Pour la première fois cette année, le festival bruxellois a mis en place ce dispositif spécifique pour une meilleure prise en charge des victimes et rendre l’événement plus sûr. “Un vrai succès pour une première”, se réjouit Lucie Wajnberg, coordinatrice du projet “Care”. “De nombreuses personnes sont venues nous dire que c’était super chouette et nécessaire que cela existe. Les gens étaient curieux et avaient envie de discuter avec la “Care Team” présente sur le site.”
Des dispositifs qui se multiplient
Ces dernières années, de plus en plus de festivals proposent des zones de ce type : le Plan Sacha à Esperanzah !, Synka aux Ardentes, “You’re Safe Here” à Dour et “We Care A Lot”, initiative commune du CORE Festival, Extrema Outdoor, Festival Dranouter, Graspop, Paradise City, Pukkelpop, Rock Werchter et Tomorrowland. Prochainement, le Voodoo Village (du 09/09 au 10/09), les Nuits Sonores (du 12 au 15/10) et le festival rétro Jyva'Zik (du 27 au 28/10) offriront également des structures similaires. Ces espaces sont généralement installés aux côtés d’autres associations de prévention et réduction des risques (drogue, alcool, sexualité).
À Esperanzah !, la “Safe Zone” est nichée en haut de l’Abbaye de Floreffe. Un container aménagé avec des fauteuils dépareillés et des bancs en fourrure rose accueille les victimes. Là aussi, différents professionnels sont disponibles en cas de besoin. Né en 2018, le Plan Sacha (Safe Attitude Contre le Harcèlement et les Agressions) fait désormais partie intégrante des valeurs du festival. “Notre enquête de satisfaction l’année dernière montre que 89 % des festivaliers connaissent le Plan Sacha et qu’ils estiment que c’est un gage de sécurité, rapporte Ana Seré, chargée de projet au Plan Sacha. Pour nous, ça montre que le dispositif commence à fonctionner.”
Reconnaître l’existence des violences
En mai dernier, le programme de l’ASBL Z ! a reçu le double de subsides structurels de la part de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce budget de 120 000 euros leur permet d’accompagner davantage de structures. Pour le Plan Sacha, les milieux festifs ont un rôle majeur dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles via ces différentes campagnes de sensibilisation. “Pour l’instant, tous les lieux festifs qui mettent cela en place montrent un engagement politique fort. Ils participent à la reconnaissance de l’existence de ces violences”, soutient Ana Seré. Ces “Safe Zone” permettent de visibiliser ces enjeux et de cultiver la culture du consentement. Parfois via des outils ludiques pour attirer les jeunes : avec des jeux comme à Esperanzah! ou des tatouages éphémères avec des messages de prévention aux Ardentes.
Cependant, certains événements festifs peuvent se montrer frileux à mettre ces structures en place. Notamment pour des raisons financières. “Cela demande un budget conséquent. Il faut former tout le monde, installer des stands, avoir des personnes de garde, mettre en place des protocoles… Les petits festivals ne peuvent pas toujours se le permettre”, souligne Lucie Wajnberg de Couleur Café. Autre raison régulièrement évoquée : la crainte que le public estime qu’il s’agit d’un lieu dangereux. “Certains organisateurs ont peur que s’ils proposent ces structures, le public s’imagine qu’il s’est passé des choses, relate Ana Seré. On leur explique que c’est exactement comme un protocole incendie, personne ne pense que, parce que vous en avez un, il va y avoir un incendie.”
Libérer la parole
“On sent de plus en plus un changement, une ouverture”, assure Sarah Debouny, cheffe de projet au sein du Plan de Prévention de la Ville de Liège et membre du Conseil de la Nuit de la Ville de Liège avec lequel les Ardentes et le Micro Festival collaborent.
“Les gens acceptent de commencer à en parler, de se dire que ce n’est pas un problème qu’il faut taire mais combattre.” Le Conseil de la Nuit est d’ailleurs de plus en plus appelé dans les guindailles universitaires et les événements organisés dans la Cité ardente. “Balance ton Bar a beaucoup aidé à libérer la parole et participé à la reconnaissance de ces problèmes. On ne peut plus fermer les yeux.”