Points et contrepoints visuels chez Contretype
Michel Mazzoni et Bastiaan van Aarle dans une installation photographique à 4 mains.
- Publié le 11-09-2023 à 14h41
:focal(1176x1481.5:1186x1471.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LTZWG3QEIBDJNDJJKEYSZ7B2OE.jpg)
Dans une vidéo réalisée lors de sa précédente exposition chez Contretype il y a 5 ans, Michel Mazzoni raconte que s’il est venu à la photographie, c’est probablement par le côté énigmatique des films de Michelangelo Antonioni (1912-2007). Un cinéaste dont il faut rappeler qu’il suscita beaucoup d’incompréhension au début des années 1950 en rompant avec la narration évidente du néoréalisme. “J’avais une vingtaine d’années, mais aujourd’hui encore, disait en substance Mazzoni, ce qui m’interpelle chez les artistes, c’est ce que je ne comprends pas de prime abord.”
Dialogue
C’est précisément ce qu’il faut garder à l’esprit en découvrant Agrégat, l’exposition que Bastiaan van Aarle et lui-même ont réalisée pour cette rentrée chez Contretype. Certes, dès l’entame, on se retrouve bien devant des photographies – et en noir et blanc qui plus est – mais elles ne se lisent pas du tout comme des images documentaires. Il faut plutôt les voir à la fois comme des supports d’un concept en ce qui concerne Bastiaan van Aarle et, dans la continuité du travail de Michel Mazzoni, comme des éléments d’architecture en dialogue avec le lieu qui les accueille.
Bien que ces deux approches du médium s’avèrent “radicalement différentes”, Olivier Grasser, le directeur du lieu, voit ce projet “à quatre mains” comme “le pari d’un rapprochement réussi entre des œuvres a priori inconciliables […].” Ceci allant de la part des deux artistes “jusqu’à concevoir ensemble l’exposition comme un unique espace de déambulation visuelle. ”
Ligne bleue
Pour fil conducteur de ce dialogue, ils ont choisi la série Waterlijn de Bastiaan van Aarle. Un ensemble de photographies réalisées à des endroits en Belgique qui pourraient échapper à une montée de la mer si toute la glace de l’Arctique venait à fondre. Nul doute que ces prises de vues de lieux très communs n’attireraient pas notre attention si nous n’avions pas en tête la catastrophe annoncée et figurée par la ligne bleue, non des Vosges, mais de l’océan à venir. Ligne bleue que l’on retrouve d’image en image, mais aussi entre celles-ci, à même les murs comme des points de suspensions nous amenant aux propositions de Mazonni. Ici, comme un pendant visuel au titre Agrégat inscrit en grand dès l’entrée, un objet énigmatique qui semble être la reproduction d’un bloc de pierre polie. Là, en grand format, trois clichés collés à même la cloison dont on ne sait pas bien ce qu’ils sont, mais qui, de manière manifeste, viennent structurer l’espace. Ici et là encore, des petits tirages en duo d’éléments architecturaux à la géométrie ludique. C’est ce qu’en musique on appelle l’art du contrepoint.
« La photographie n'est peut-être pas en mesure de capturer ce que j'imagine, mais je peux quand même le suggérer visuellement. Une ligne subtile envahit l'image et vous transporte dans un autre monde. Un monde qui n'est pas visible, mais qui pourrait devenir une réalité. »
Atelier
Pour éclairer la démarche, une petite pièce au sous-sol a été transformée en une sorte d’atelier d’archives. On y trouve par exemple, épinglées sans façon aux murs, les cartes topographiques qui ont permis à Bastiaan van Aarle de mener ses recherches ainsi que ses premiers clichés de repérage. On y trouve également une série de photos qui semblent constituer une réserve pour les interventions de Michel Mazzoni. Ce sont des non-lieux au sens où Marc Augé l’entendait et dans la même idée les non-objets qu’on y trouve rappellent la poésie des archives de la police fédérale américaine récupérées par Mike Mandel et Larry Sultan pour leur formidable livre Evidence. On y trouve aussi et surtout leurs propres publications qui attestent la cohérence de l’un et de l’autre dans le développement de ce travail original. Pour n’en citer que deux, Moving Mountains – titre éponyme de l’exposition de van Aarle présentée l’an passé à la galerie Queens et au Botanique – dont les photographies condensent les différentes lumières du jour et Other things visible qui accompagnait la remarquable exposition de Mazzoni au Botanique en 2019.
*** Agrégat Quoi Photographie. Où Contretype, 4A, cité Fontainas, 1060 Bruxelles www.contretype.org Quand Jusqu’au 19 novembre, du mercredi au vendredi de 12 à 18h, samedi et dimanche de 13 à 18h.

