Un bain de liberté
Beata Szparagowska de retour au Salon d’Art avec des photographies prises au gré du temps.
- Publié le 17-09-2023 à 19h35
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Presque dix ans après Entre chien et loup, sa précédente exposition au Salon d’Art, Beata Szparagowska est de retour dans la galerie de Jean Marchetti avec un ensemble d’une vingtaine d’images plutôt surprenant. La photographie de l’affiche aurait pu être celle de 2014 puisqu’on y voit un personnage se baignant à la tombée du jour, mais la sensation de liberté qu’elle communique annonce on ne peut mieux l’absence de contrainte en fil rouge des œuvres présentées.
Ce qui surprend
Ce qui surprend d’abord, c’est le choix du noir et blanc pour la plupart des images et, même d’une certaine façon, pour celles en couleur tant la tonalité des teintes s’y fait discrète. Il faut remonter à Ligne de fuite (2013) et aux images de son voyage vers sa maison d’enfance en Pologne pour retrouver le hors temps de cet hors couleur. Mais c’était là une des rares fois dans le parcours de l’artiste.
Ce qui surprend ensuite, c’est l’absence de thématique de la part de cette photographe que l’on a toujours vu travailler par série. Parfois sur commande, comme lors de sa résidence à L’L qui déboucha sur le livre Hide & Seek édité par Le Caillou Bleu en 2012 ou comme lors de sa participation à la Triennale d’Ottignies Louvain-la-Neuve en 2021; parfois en projet personnel et l’on pense à son excellent Studio Matonge… mais aussi à Entre chien et loup et Ligne de fuite que l’on vient d’évoquer.
Fantômes rétiniens
Ici donc, pas de série, mais plutôt des notations éparses. Des prises de vue qui respirent le “simple” bonheur de voir et qui font penser à celles de Bernard Plossu. Quand on le lui dit, Beata Szparagowska le prend certes comme un compliment, mais bien plus encore comme la description la plus juste de l’esprit vagabond qui traverse son assemblage ainsi que la facture impressionniste qui traduit cette joyeuse liberté.
Aux murs de Salon d’Art, cela nous donne par exemple un triptyque avec au centre le profil d’une jeune femme endormie et, de part et d’autre, des visions nocturnes adoucies par la neige. Ou cela nous donne encore la courte suite (on devrait dire phrase) d’un oiseau en vol, d’une tenture pas tout à fait fermée et d’un flanc d’île que l’on va accoster de nuit. Des images au plus près des Fantômes rétiniens du titre de l’exposition donc. Et surtout, doit-on ajouter, au plus près des questions récurrentes de la jeune femme depuis ses études en littérature clôturées par un mémoire sur “L’impuissance des mots à dire les choses”. Dans Lignes de fuite par exemple: “Comment photographier ce qui n’existe plus? Comment montrer la mémoire?”
Alchimie
Sans doute faut-il voir un début de réponse dans sa sélection et plus encore dans son remarquable texte d’introduction où il est question de la fabrication particulière de la photographie argentique et de ce qu’elle implique: “Les rouleaux de films qui sommeillent au fond du tiroir. Depuis une année, parfois plus. Pas d’urgence, les images attendent patiemment d’être révélées et d’être vues. […] L’odeur de la chimie, des produits qui s’écoulent dans la cuve. Le temps qui passe. L’alchimie. Le dernier rinçage et ça y est. Je vais me coucher. Le matin, les films développés sont toujours là, secs, suspendus sur une corde à linge dans la cuisine. Je les regarde à la lumière du jour. Des images se bousculent. Des instants, captés en mouvement lors de l’un ou l’autre voyage, à peine aperçus […] me reviennent des années plus tard et se dessinent maintenant avec précision sur la pellicule.”
Un hommage à la lenteur, certainement, mais plus encore à la vertu de l’oubli qui oblige à redécouvrir les images. Tout l’inverse de la consommation directe et sans surprise du processus (un mot si éloigné de l’alchimie) numérique. Toute la beauté de l’incertitude de la création partagée avec le hasard.
★★★ Fantômes rétiniens de Beata Szparagowska. Quoi Photographie. Où Le Salon d’Art, 81 rue de l’Hôtel des Monnaies, 1060 Bruxelles Quand Jusqu’au 30 septembre du mardi au vendredi de 14h à 18h30, le samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h. Rens.: www.lesalondart.be

