Un siècle dans la Ville Eternelle
Non loin de la villa Borghese, de ses jardins publics et de son petit temple d'Esculape, la via Omero aligne les architectures plus ou moins heureuses de ses académies. L'une d'elles, l'Academia Belgica, abrite l'Institut historique belge de Rome, né en 1902, centenaire cette année. accueille la fine fleur des chercheurs en quête de sources italiennes
- Publié le 23-11-2002 à 00h00
À ROME
Non loin de la villa Borghese, de ses jardins publics et de son petit temple d'Esculape, `l'oasis de délices´ dessinée par le Flamand Vasanzio, la via Omero aligne les architectures plus ou moins heureuses de ses académies. L'une d'elles, l'Academia Belgica, abrite l'Institut historique belge de Rome, né en 1902, centenaire cette année.
Seule du genre dont soit doté notre pays à l'étranger, cette véritable `ambassade scientifique´, par où sont passées des générations de chercheurs de haut niveau, s'était d'abord établie au palazzo Rusticucci, pratiquement à l'ombre de Saint-Pierre, là où passe actuellement la via della Conciliazione. Ainsi que l'a rappelé son président, le professeur Michel Dumoulin (UCL), au cours d'un colloque réuni jeudi et vendredi derniers, l'institution est née dans la double foulée du réveil des sciences historiques en Belgique, symbolisé par la figure de Godefroid Kurth, et de l'impulsion donnée par le Vatican à une apologétique scientifique, capable d'apporter une riposte argumentée aux adversaires de la foi et du magistère.
Par la suite, cette visée en partie militante a cédé la place à un statut pluraliste. Les `pères fondateurs´ n'en étaient pas moins des érudits accomplis: nul ne conteste ce titre au bénédictin dom Ursmer Berlière, au prêtre historien Alfred Cauchie ou à Kurth lui-même qui ne contribua pas peu au `nettoyage´ démythificateur de l'hagiographie, convaincu que `l'Eglise n'a besoin que de la vérité´. Mais leur projet est aussi patriotique: `Il s'agit, note Vincent Viaene (KULeuven), d'aller planter le drapeau belge aux archives du Vatican comme sur les rives du Congo´...
A l'ère fasciste
Après la mort de Cauchie, renversé par un carrosse au largo Argentina en 1922 - la tradition orale attribuera l'accident à son goût immodéré pour le Bourgogne! -, les rênes sont reprises par Berlière. Celui-ci s'en tire mieux qu'au cours d'un premier mandat où il avait tant dédaigné l'administration et la gestion que `sa démission en 1906 avait été accueillie avec soulagement´ (Luc Courtois, UCL).
En 1930, on trouve à la barre Henri Pirenne dont le prestige international fait ouvrir bien des portes. Jeffrey Tyssens (VUB) observe à cette époque, où l'Institut s'installe dans ses murs actuels, un dynamisme nouveau, marqué notamment par les travaux de l'Anversois Armand Gründzweig. Difficile, toutefois, de ne pas sentir l'air du temps. La naissance de l'Academia Belgica, en 1939, est l'occasion d'expérimenter ce que Francis Balace (ULg) appelle `la difficulté d'être Belge à l'ère fasciste´. Maurice Lippens, auteur du projet, fait partie des admirateurs du Duce, dont les rangs se sont dégarnis après la formation de l'Axe Rome-Berlin. La délégation envoyée pour l'inauguration se voit infliger un programme de visites des `grandes réalisations´ du régime, au détriment des arrêts tant espérés au Colisée ou aux ruines d'Ostie.
Après la guerre, la figure de Léon-E. Halkin émerge bien évidemment. Spécialistes en humanisme et en Renaissance, en histoire de l'Eglise, en histoire de l'art, en archéologie, en philologie..., les boursiers - onze actuellement - alimentent de leurs études, inventaires et éditions de sources le Bulletin et les collections de l'Institut. Le contexte politique ne procure plus de soucis mais les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions. Historien lui-même, Yvan Ylieff, commissaire au gouvernement fédéral chargé de la Politique scientifique, n'a pas raboté la subvention: `Ce financement, assure-t-il, est passé, certes avec des hauts et des bas dus à la conjoncture budgétaire, de quelque 63000 euros en 1994 à 73000 euros pour l'année 2003, soit une augmentation annuelle moyenne correspondant à l'inflation.´ S'y ajoutent les interventions des Communautés.
En route pour le bicentenaire...
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