L'alterarchitecture, bambous et sable
Samedi, le Civa faisait salle comble pour recevoir Emir Kusturica. Le cinéaste, double palme d'or à Cannes, recevait le prix européen d'architecture Philippe Rotthier. «S'il y a une chose que je n'aurais jamais cru recevoir, c'est bien un prix d'architecture», a commenté le cinéaste.
Publié le 24-10-2005 à 00h00
:focal(99x73:109x63)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZOK7XOZDO5EFPEXPERSCXATH4Q.jpg)
Samedi, le Civa faisait salle comble pour recevoir Emir Kusturica. Le cinéaste, double palme d'or à Cannes, recevait le prix européen d'architecture Philippe Rotthier. «S'il y a une chose que je n'aurais jamais cru recevoir, c'est bien un prix d'architecture», a commenté le cinéaste. L'architecte marseillais Rudy Ricciotti (de la future section des Arts de l'islam au Louvre) soulignait le parallèle entre cinéma et architecture: «Je ne sais lequel des deux fait le plus de cinéma.» Le prix Rotthier, remis pour la 7e fois, récompense (30000 euros) des architectures qui « respectent l'écologie, ne gaspillent ni le territoire ni l'énergie, qui dialoguent avec le passé et l'histoire».
Kusturica est récompensé pour le village de Küstendorf («le village de Kusturica»), qu'il a restauré avec ses propres fonds, dans sa Serbie natale, et où il vit avec sa famille. Il a refait un village traditionnel sur les lieux du tournage de «La vie est un miracle», avec une église orthodoxe, des maisonnettes à l'ancienne, un cinéma, un terrain de basket sous-terrain, près de Visegrad, non loin de Sarajevo. Ce village redonne aussi vie au chemin de fer proche.
L'expo organisée par la Fondation pour l'architecture montre des photos - un peu anecdotiques - du village de Kusturica. Il y a un peu de tout dans cette expo qui rend un hommage (partiel) à l'architecte Ravereau, qui a si bien rénové le M'zab en Algérie. Le plus intéressant est le rez-de-chaussée, avec des exemples d'«alterarchitecture», de constructions qui font fi du béton, du verre et de la «modernité» pour retrouver des méthodes pauvres et traditionnelles. Ecologie, authenticité face à la culture «standard»: autant de thèses altermondialistes.
Exemple: les «sandbag shelters» de l'architecte américain d'origine iranienne Nader Khalili, fondateur du «Cal Earth Institute», dans le désert de Mojave en Californie. Pour lui, la solution est simple: il utilise le matériau le plus simple, la terre, pour développer du «super Adobe» (l'adobe, ce sont les «briques» de boue séchée). Ses maisons ou abris, en sacs de terre mêlés à du fil de fer barbelé et des tiges métalliques, forment des sortes d'igloos qui peuvent abriter des familles et résister aux intempéries, au froid, à la chaleur et aux tremblements de terre. Et ces structures sont biodégradables. Un abri en «Sandbag shelters» a été construit dans le musée même.
Autre exemple: les constructions en chutes de bois. Les scieries laissent toujours des bouts de bois. Deux architectes, Olivier Delaroziere et Ursula Gleeson, utilisent des chutes en chène pour faire des huttes/maisons en empilant ces planchettes comme des briques selon une logique étudiée par ordinateur. Ces maisons tiennent sous leur propre poids et sont très belles. Ils pensent à les recouvrir de toiles. Une maison a été construite dans le musée.
Les architectes Hervé Richard et Shiva Tolouie ont étudié les tours du vent à Yazd, en Iran, qui depuis des siècles parviennent à refroidir l'air des maisons en créant une circulation des vents refroidis sur une pièce d'eau. Ils proposent d'utiliser ces techniques ailleurs.
Les belles photos sont dues au talent d'Albert Stevens, auteur par ailleurs d'un livre, paru aux éditions de l'Octogone, sur «L'alter Wallonia architecture», sur des sites industriels belges dus à des architectes contemporains, et qu'il surnomme, un peu emphatiquement, «les cathédrales d'aujourd'hui», une autre forme d'altérité...
«Alterarchitecture», par la Fondation pour l'architecture (Civa), 55 rue de l'Ermitage, 1050 Bruxelles. Tél. 02.642.24.80. Du mardi au vendredi de 12 à 18h, le week-end de 10h30 à 18h.
«Alter Wallonia architecture», par André Stevens, aux éditions de l'Octogone.
© La Libre Belgique 2005