Le hangar aux trésors
L’histoire est belle et le résultat étonnant. Un entrepreneur-démolisseur, Max Rosendor (1931-1996), a pendant des décennies conservé le petit patrimoine bruxellois, surtout Art Nouveau et Art Déco, qu’il découvrait sur ses chantiers et a ainsi accumulé une collection de 1 400 objets que ses enfants ont décidé de montrer et de vendre.Images de l'expo
Publié le 03-02-2009 à 00h00
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L’histoire est belle et le résultat étonnant. Un entrepreneur-démolisseur, Max Rosendor (1931-1996), a pendant des décennies conservé le petit patrimoine bruxellois, surtout Art Nouveau et Art Déco, qu’il découvrait sur ses chantiers et a ainsi accumulé une collection de 1 400 objets que ses enfants ont décidé de montrer et de vendre. Ces objets longtemps entassés dans sept lieux, sans référencement, ont été redéployés en un seul lieu, un grand hangar près du canal à Bruxelles.
Pas de chauffage, et la pluie ou la neige qui percent parfois la toiture. On pénètre dans une caverne d’Ali Baba, dans les trésors d’un brocanteur, dans les caves géantes d’une grand-mère oubliée. Sur 800 m2, on remarque des empilements de cheminées et de consoles de pierre ou de marbre, des balustrades d’escalier, de multiples barrières et garde-corps en fer forgé, des balcons, des grilles de soupirail, des marquises, près de 150 portes, des radiateurs en fonte, des lavabos, des cache-boulin (ces pièces qui couvrent les trous dans une façade, destinés aux échafaudages). Beaucoup de ces objets sont comme ceux qu’on découvre chez tous les brocanteurs ou dans les caves, mais d’autres sont de vraies surprises : des fers forgés Art Nouveau en fleurs stylisées ou en lignes "coup de fouet" et Art Déco, introuvables et infaisables actuellement, des portes Art Nouveau comme celles en "goutte d’eau" de la maison jumelée Govaerts (un des rares objets dont on a retrouvé la provenance) ou des vitraux, et même une verrière entière.
Une passion
C’est un vrai inventaire de toutes ces réalisations d’artisans de génie qui ont fait les maisons bruxelloises au début du XXe siècle. Avec cette collection, on plonge dans un Bruxelles disparu sous les bulldozers de la bruxellisation dans les années60.
L’histoire est belle. Né à Anvers, Max Rosendor s’est installé à Ixelles en 1955 comme garagiste. Mais en 1966, il rencontra un artiste ferronnier, Raymond Morales, qui vivait au sud de la France et qui l’initia aux beautés de cet art appliqué. Morales visita Bruxelles et fut émerveillé par la beauté des maisons, mais effaré aussi des démolitions qui saccageaient la ville. Il décida alors de changer de vie et de devenir entrepreneur-démolisseur et de sauver sur ses chantiers les pièces les plus intéressantes, à son estime, de ce petit patrimoine bruxellois. Il en avait le droit, d’autant qu’aucune de ces maisons n’était classée et qu’à cette époque, l’Art Nouveau et l’Art Déco étaient déconsidérés. Il sauvait en quelque sorte un patrimoine en disparition.
Cela devint une telle passion qu’il accumula 1400 objets, souvent de très grands formats, à Bruxelles, dans sept endroits, dans l’espoir de pouvoir leur donner un jour une seconde vie dans un musée en plein air.
Après sa mort subite en 1996, ses deux enfants, Alain et Diane Rosendor prirent le temps d’étudier cet héritage et décidèrent de le montrer et de le vendre. Ils s’en sont expliqués ce mardi. Ils ne voulaient pas laisser un héritage aussi volumineux à leurs propres enfants et ils voulaient d’autre part, en participant à la diffusion de ces objets dans le grand public intéressé, continuer l’œuvre de leur père en ramenant ce patrimoine au cœur des maisons bruxelloises.
La vente ne devrait pas rapporter beaucoup (on parle de 300000 euros au total, sous l’égide de l’antiquaire de la galerie "Au fil du temps", Sylvain Berkowitsch). Les prix variant de dizaines à plusieurs milliers d’euros selon chacun des éléments architecturaux. "Les objets ne sont pas évalués à leur valeur réelle car ils seraient impayables. On ne retrouverait d’ailleurs plus d’artisans capables de travailler ainsi", a indiqué Sylvain Berkowitsch.
Les pouvoirs publics bruxellois et les musées potentiellement intéressés sont déjà au courant et rien ne dit qu’ils n’achèteront pas quelques pièces plus rares et belles, mais, pour l’instant, personne n’a bougé.
En pratique
En avril prochain, le grand public pourra découvrir, et éventuellement acheter ces trésors oubliés, dans le bric-à-brac du grand hangar où ils sont stockés, 90, rue Navez à 1000 Bruxelles (quartier du pont Van Praet).
Des visites individuelles sont possibles les samedis 3 et 11 avril, à 11 h (réservation obligatoire au 02.563.61.53). L’ASBL Arkadia, spécialisée dans le patrimoine bruxellois, a été fort intéressée par cette collection et organisera des visites guidées pour groupes, qui expliquera l’origine des pièces, leur utilisation et leur valeur artistique, et rappellera les souvenirs de l’architecture bruxelloise (visites du 3 au 13 avril, réservations obligatoires auprès d’Arkadia, 02/5636160). "C’est un vrai jeu de piste dans la ville qui est passionnant à décoder. Cette collection rappelle la richesse du petit patrimoine qui forme la ville", estime l’ASBL Arkadia, qui tente de retrouver les origines de différents éléments architecturaux. Quant à la vente, elle se fait "de gré à gré", comme chez un antiquaire. Les professionnels ont une "preview" le 2 avril et puis sur rendez-vous. Le grand public pourra acquérir des pièces pour sa maison ou comme souvenir de ce Bruxelles Art Nouveau et Art Déco, chaque jour, du 3 au 13 avril, de 12h à 14h30. Une occasion rare.
Les informations pour les visites individuelles ou en groupes sont disponibles sur le site www.asbl-arkadia.beet pour la vente sur: www.rosendor.be