Le cendrier à la rue
Depuis les lois occidentales qui luttent contre le tabagisme, le cendrier, comme le fumeur, doit se planquer à la maison ou être flanqué à la rue. Pas étonnant que parmi les nouveaux objets qui répondent à ces récentes interdictions de cloper, on trouve des "abris" que certaines entreprises concèdent à leurs employés clopeurs. On y parque les FMR (Fumeurs mis à la rue) dans des clopiers-clapiers.
- Publié le 06-08-2009 à 00h00
Depuis les lois occidentales qui luttent contre le tabagisme, le cendrier, comme le fumeur, doit se planquer à la maison ou être flanqué à la rue. Pas étonnant que parmi les nouveaux objets qui répondent à ces récentes interdictions de cloper, on trouve des "abris" que certaines entreprises concèdent à leurs employés clopeurs. On y parque les FMR (Fumeurs mis à la rue) dans des clopiers-clapiers.
Si de nombreux fabricants font encore aujourd’hui la promotion du cendrier, c’est avant tout comme un objet d’extérieur. Sur pied, mural, antifeu, absorbant, sécurisé, il ne manque pas de nouveaux modèles et d’usages améliorés. Mais dehors ! Autre proposition faite à l’accro, les mini-contenants de poche. Ils pullulent sur le Net, comme de petites boîtes gris-gris personnalisables. Le cendrier de poche se doit d’être écologique. Certes il protège déjà la nature des mégots, mais c’est mieux s’il est biodégradable. Il peut adopter toutes les formes, s’enrichir d’autres fonctionnalités - porte-clés, poudrier, pendentif, boîte à capotes, et on attend qu’il soit hybridé à un iPod ou à un mobile, pourquoi pas.
Côté récupération, dans la tradition populaire du cendrier coquille Saint-Jacques, la cannette en métal aplatie est transformée en coupelle trash. Paquets de cigarettes et boîtes d’allumettes font toujours l’affaire. Autre mutation d’usage, les ustensiles de jardin, pots de fleurs, bassines et jardinières remplis de sable ou d’eau se voient plantés de filtres jaunes du meilleur effet. C’est une petite épuisette qui permet de récupérer les mégots, nouvelle version de la pêche miraculeuse.
Mais avec le bannissement des fumeurs, condamnés à s’attrouper comme des tribus honteuses sur les trottoirs, rien n’a été prévu dans l’espace public extérieur, et c’est tout le macadam de la ville qui devient un cendrier géant. Pour mettre son mégot dans une poubelle, il faut le frotter sur les murs, ce qui trace de nouveaux tags. Il y aurait pourtant matière à récréer des objets à la fois fonctionnels et plaisants pour les FMR, tant que cette communauté n’est pas complètement éradiquée.
Des cendriers de rue, certes fixes et sécurisés, des abris fumoirs d’extérieur, des smokelabs lounge sur le modèle des audiolabs où l’on se prélasse pour écouter de la musique. Ou encore des folies de jardin. Les restaurants et les bars, certains le font en Italie, pourraient renouer avec l’élégant boudoir fumeur. Les terrasses, de plus en plus chauffées l’hiver, feront l’affaire. Les designers ont donc encore de quoi faire muter le cendrier. A condition de ne pas dépasser les bornes, en gravant dessus, par exemple, "Fumer tue" comme sur les paquets de cigarettes, une insulte au designer Raymond Loewy qui a dessiné le si parfait packaging des Lucky strike. Et de ne pas inventer des cendriers flics électroniques qui compteraient les mégots ou afficheraient la tension artérielle du "malade".
Pour la société qui gère l’affichage dans les cafés, l’agence de communication en design Plan créatif a conçu une carte postale décrispante afin de sensibiliser les consommateurs et les patrons des lieux concernés. Dans un détournement du pictogramme "Interdit de fumer", le slogan avancé est "Ici, même pas la pipe", avec une bouffarde barrée de rouge. "De l’humour, pour récréer de la convivialité entre fumeurs et non fumeurs, éviter les agressions." Mais les cafetiers sauront bien remplir leurs cendriers inutiles avec des cacahuètes pour inciter le sevré de nicotine à boire.