L’art du pays du bonheur brut
Le Bouthan est un royaume préservé, niché dans l’Himalaya. Tout n’y est pas rose certes. On se souvient comment le pays a expulsé manu militari les "non bouthanais" venus grossir le flot des réfugiés à Katmandou, tout proche. Mais ce pays est devenu célèbre en instaurant le BNB, le Bonheur National Brut, comme indice de vitalité à la place du PNB voué à disparaître dans la crise écologique planétaire.
- Publié le 27-11-2009 à 04h15
- Mis à jour le 27-11-2009 à 08h19
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Envoyé spécial à Paris Le Bouthan est un royaume préservé, niché dans l’Himalaya. Tout n’y est pas rose certes. On se souvient comment le pays a expulsé manu militari les "non bouthanais" venus grossir le flot des réfugiés à Katmandou, tout proche. Mais ce pays est devenu célèbre en instaurant le BNB, le Bonheur National Brut, comme indice de vitalité à la place du PNB voué à disparaître dans la crise écologique planétaire.
Le Bouthan est aussi un des rares lieux ou la culture tibétaine a pu continuer à fleurir sans discontinuer avec ses monastères et lieux de pèlerinage perchés dans les montagnes (le monastère de Taksang, "la tanière du tigre") ou nichés au creux de douces vallées. Au Tibet même, on sait comment un génocide culturel a eu lieu sous la révolution culturelle chinoise et se perpétue encore transformant la culture et la religion tibétaine en une folklorisation pour touristes acheminés en train depuis Pékin.
Cette culture s’est mieux maintenue au Ladakh et au Népal et, curieusement, en Chine même où des monastères, comme celui de Labrang, restent d’une grande vitalité et proposent chaque année d’importants rassemblements religieux.
Le Bouthan est aussi le pays cher à Matthieu Ricard. Il y a près de 30 ans, le célèbre moine et photographe y accompagnait son maître bouddhiste Dilgo Khyentsé Rinpotché pour la première fois. Il restera près de huit ans auprès de ce maître, au Bouthan. Il a publié il y a peu un magnifique ouvrage sur ce pays et sur la spiritualité qui s’en dégage : "Bouthan terre de sérénité", aux Editions de la Martinière.
Le Bouthan décourage le tourisme de masse en faisant payer une lourde taxe d’entrée, qui permet aussi d’aider à la sauvegarde des équilibres écologiques. C’est donc une chance de découvrir au musée Guimet, des trésors de ce pays.
Pour la première fois, une centaine d’œuvres bouddhiques ont été prêtées par divers temples et monastères du Bhoutan. Ces objets de culte n’avaient jamais pour la plupart été présentés en dehors du Bhoutan. Composée d’une majorité de thangkas, peints ou brodés, parfois de très grandes dimensions (ces peintures sur soie qu’on déploie dans les monastères), mais aussi de sculptures métalliques de quelques objets liturgiques, s’échelonnant du VIIIe au XIXe siècle, l’exposition permet d’évoquer les traditions artistiques bhoutanaises et ses développements historiques, encore mal connus, à travers divers thèmes iconographiques du bouddhisme tantrique.
Certes, ces objets ressemblent fort à ceux du Tibet, mais ils ont leurs particularités et sont étonnamment bien conservés. L’expo rappelle aussi comment le bouddhisme est arrivé au Bouthan par l’intermédiaire de grands maîtres indiens et tibétains. Une série de films tournés dans le pays, consacrés aux danses bouddhiques rituelles ou cham, accomplies par les moines lors de certaines grandes fêtes.
Deux moines bhoutanais accompagnent l’expo et exécutent chaque jour des rituels dans un espace du musée, accessible au public.
Il faut admirer au musée Guimet la beauté des tangkas (les peintures) et l’originalité de plusieurs sculptures comme ce "fou divin" (notre photo), un saint non conformiste amateur de femmes et d’alcools forts, assis sur une peau d’antilope et jouant du luth. Ou une déesse assise, vieille de près de 1400 ans, en cuivre doré et pigments bleus, une jambe repliée, pleine de vie.
"Arts sacrés du Bouthan" au musée Guimet, place d’Iéna, Paris. Jusqu’au 25 janvier, tous les jours sauf le mardi.