Alechinsky: Epatantes "Sorties de Presse"
100 gravures et lithos de Pierre Alechinsky au Museum : humour, humeurs, foisonnements. Gommes et linos de Kikie Crêvecoeur à la Galerie : ferveurs, sourires, miracles.
Publié le 04-03-2010 à 04h16 - Mis à jour le 04-03-2010 à 08h41
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L’impeccable idée d’associer le meilleur aîné qui soit et la plus originale graveuse d’une relève ainsi bien assurée est une heureuse conjonction de personnalités et d’œuvres complices, que l’on doit à Pierre Alechinsky lui-même. Comment dès lors se priver du bonheur de les réunir, à notre tour et en exergue de cet article, dans un même florilège d’émotions quand tout, dans leurs arts réciproques, les rassemble : souci égal du travail de la main, même plaisir des lignes qui se croisent et s’entrecroisent, ardeur parallèle à mener la technique en ses potentiels ultimes. Cette rencontre sur les deux lieux d’exposition d’un seul et même Botanique devrait donc valoir un superbe printemps aux responsables de l’initiative, Catherine de Braekeleer et Annie Valentini, et comment ne pas s’en réjouir. Nous reviendrons plus tard sur le subtil travail ciselé, si personnel, de Kikie Crêvecoeur.
Occupons-nous d’abord de Pierre Alechinsky qui, à 83 ans, respire encore et plus que jamais la jeunesse du trait et du verbe. Ce que la scénographie de l’exposition explicite parfaitement. Ni engorgements ni répétitions mais, au contraire, un ensemble qui tient magnifiquement la route, parce qu’il épingle des pièces de choix qui, tout en se confortant dans le temps, confirment l’heureux, espiègle et long parcours d’un homme à travers son imaginaire foisonnant. 47 ans de bons et loyaux services d’un artiste qui s’en vint à la peinture au départ de l’imprimerie et voilà qui préfigure d’emblée sa somme de découvertes. L’expo ne chemine pourtant pas chronologiquement mais, plutôt, et c’est une bonne chose, par regroupements de thématiques, de couleurs, de formats. Et si le noir est bel et bien une couleur de poids, Alechinsky ne s’est jamais privé d’y recourir, l’économie des moyens et des traits, des chromatismes et des sujets étant une de ses règles d’or. L’exposition a du rythme et cet attrait avoue ses charmes. Dès le début du parcours, on se sent bien, en pays de connaissance certes, mais aussi et surtout en pays d’élection avec ses gammes, ses floraisons. Belle idée que celle d’avoir favorisé une ouverture tout en transparences, couleurs printanières sur des gravures de 1983, "Orange de Binche" ou "Le chien roi". Des eaux-fortes rehaussées de bordures délicates à l’aquarelle. Les lignes d’Alechinsky virevoltent et on ne cesse de s’y abreuver, comme si leurs courbures, voilures et ramures, dégageaient de concert des enchantements dont on ne peut plus se passer, après les avoir un jour rencontrés sur son chemin.
Parcours idéal pour de jeunes enfants ou jeunes adultes en veine de savoir comment est faite une gravure, une lithographie, une pyrogravure, l’exposition bénéficie d’un surplus didactique, initié par le service pédagogique du Bota, une offre à saisir. Adversaire déclaré des moyens technologiques qui sapent l’inventivité, la quête d’authenticité et le savoir manuel, Alechinsky défend les moyens nobles et artisanaux des outils de reproduction. Le plain-chant exposé valorise, et comment, ces techniques anciennes qui, par les augustes machines Voirin interposées, vous imprimaient des lithographies monumentales comme Toulouse-Lautrec put en déployer dans les premiers métros parisiens, comme Alechinsky sera sans doute l’un des derniers créateurs. De beaux exemples frappent les imaginations : "Voirin à Montataire", "Terre en Voirin" et "Jaune en Voirin", de 2003, et "A tire d’aile", de 2009, surgie en Dordogne de l’ultime machine du défunt atelier Bordas, auprès duquel Alechinsky œuvra longtemps. Une riche exposition emplie de vérités, de valeurs et d’enseignements.
Le Botanique, Museum et Galerie, 236 rue Royale, Bruxelles. Jusqu’au 2 mai, du mercredi au dimanche de 12 h à 20 h. Infos : 02.218.37.32 etwww.botanique.be