Une poétique de la fragilité
A contre-courant des tendances démonstratives du moment, Gudny Rosa Ingimarsdottir (Reykjavik, 1969 - vit à Bruxelles) s’est engagée dans la voie de la discrétion, de la retenue, de la distance, d’une poétique dessinée de l’effleurement et du suggestif. Elle dessine au scalpel, découpant finement des formes dans le papier, à la manière d’une dentellière usant d’un autre matériau, si ce n’est que pour assembler ses frêles languettes de papier et images, elle recourt à la couture.
- Publié le 09-05-2012 à 04h15
A contre-courant des tendances démonstratives du moment, Gudny Rosa Ingimarsdottir (Reykjavik, 1969 - vit à Bruxelles) s’est engagée dans la voie de la discrétion, de la retenue, de la distance, d’une poétique dessinée de l’effleurement et du suggestif. Elle dessine au scalpel, découpant finement des formes dans le papier, à la manière d’une dentellière usant d’un autre matériau, si ce n’est que pour assembler ses frêles languettes de papier et images, elle recourt à la couture.
Le travail s’ancre profondément dans l’intimisme, dans l’émergence extrêmement pudique d’une sensibilité particulièrement délicate par laquelle elle livre des bribes d’émois, d’attachements, de pratiques, qu’elle distille lentement, parcimonieusement, comme si tout ce qu’elle nous accorde de voir, dans la lenteur, devait d’abord mûrir au plus profond d’elle-même. Et c’est, sans doute, l’une des raisons pour lesquelles elle accumule, comme des petits secrets, les matériaux qui, un jour, lui serviront de matière première. Elle les apprivoise, les conserve jalousement, précieusement, dessine, laisse reposer, y revient, en découpe une partie pour donner naissance à une nouvelle œuvre, proposition graphique dans laquelle s’immisce une réelle tendresse.
Le négatif n’est jamais éliminé, il constitue, lui aussi, un nouveau projet qui ne sera peut-être pas définitif, car le cycle peut se poursuivre. Tous ses dessins, réalisés le plus souvent au crayon avec intervention parfois de traces aquarellées, se composent progressivement avec le temps pour complice, dans une élaboration que l’on sent intuitive, dans une sorte du laisser parler des envies, des sentiments, des émotions, des découvertes progressives dans l’accomplissement des gestes, dont la précision est l’un des facteurs essentiels, car elle traduit la densité de l’attention, et par là, celle de l’importance accordée au motif et à son potentiel. Telles les fleurs et leurs symboliques. Rien n’est a priori exclu de ces fragiles dessins, ni écriture ni chiffres obsessionnels pour constituer des lignes, des excroissances, des figures ; ni apport étranger ni superpositions ou transparences chaque élément apparaît, telle une richesse issue d’une patiente méditation pour atteindre, non pas le but souhaité, mais l’état allusif recherché. Et toucher d’une certaine manière à la beauté. Et préserver.
Ses vitrines résument sa démarche, réceptacles de tant de sources, elles sont des lieux d’agencement, de conservation, de dialogue, d’attente aussi, car rien n’y est définitif, peut-être de souvenirs teintés d’un brin de nostalgie, mais également d’un devenir possible qui leur assure un futur.
"Gudny Rosa Ingimarsdottir. Surviving Pessimism". WEproject, rue Emile regard, 20, 1180 Bruxelles. Jusqu’au 20 mai. Du jeudi au samedi de 10h à 16h. Infos : www.weproject.be