L’étude qui vous déshabille... culturellement
Dites-moi qui vous êtes, quel est votre âge, votre domicile, votre niveau d’éducation, votre profession et je vous dirai ce que vous consommez en culture !
- Publié le 07-12-2012 à 14h33
- Mis à jour le 07-12-2012 à 15h20
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Dites-moi qui vous êtes, quel est votre âge, votre domicile, votre niveau d’éducation, votre profession et je vous dirai ce que vous consommez en culture ! C’est le résultat d’une riche étude demandée à l’ULB par l’observatoire des politiques culturelles en Fédération Wallonie-Bruxelles.
On connaît les études qui regardent l’évolution du nombre de gens qui lisent des livres, vont au théâtre, etc. Des études qui soulignent souvent les limites de la démocratisation culturelle et de l’accès à la culture.
Cette étude est complémentaire. Elle propose d’aller plus loin dans l’analyse des pratiques culturelles dans un paysage plus complexe qu’on le croit. Les pratiques culturelles (au sens large) ont fortement évolué avec les technologies numériques et la diffusion de cultures traditionnellement qualifiées de populaires mais de plus en plus prisées par tous les milieux. La culture étant prise dans son acception la plus large (inclus les fêtes entre amis ou le tricot !).
L’étude regarde par exemple l’influence de l’âge sur la fréquentation des musées, le rôle du domicile (la ville est un facteur de consommation culturelle), l’influence du niveau d’éducation et de l’origine familiale (ce sont les mères, lit-on, qui sont déterminantes dans l’apprentissage de la culture).
Si le genre joue peu (les femmes consomment un peu plus), les facteurs clés sont bien l’âge, le milieu de vie (urbain ou non) et, toujours, le statut socioprofessionnel (la démocratisation culturelle reste un échec). On lit : "Les hiérarchisations culturelles n’ont pas disparu, les résultats indiquent une persistance du lien entre pratiques culturelles et structures sociales."
L’âge peut avoir des effets positifs (aller plus souvent au théâtre et voir plus d’expos) ou négatives (moins sortir). L’éducation joue à plein sur les pratiques de la "culture légitime" (musées, etc.), induite, répétons-le, d’abord par la mère. Idem sur la consommation télévisée : plus on est éduqué, moins on regarde la télé.
L’étude détermine sept groupes de consommateurs culturels (à chacun de s’y retrouver).
1. Les désengagés culturels (28 % de la population) . Ils ne pratiquent pas de culture, ne sortent pas ou passent beaucoup de temps devant la télé à des émissions non culturelles. Ce sont surtout les classes socio-culturelles les plus basses, les gens avec une faible éducation, et les pensionnés.
2. Les nostalgiques (13 %) sont peu actifs culturellement et surtout tournés vers le passé : musiques des années 60, entretien de potagers, télé. On les trouve d’abord chez les personnes âgées.
3. Les festifs (6 %) sortent souvent dans les bars et discothèques, écoutent Pure FM et aiment les films d’aventures. Ce sont d’abord des jeunes et ils sont nombreux dans le Hainaut (!).
4. Les connectés (21 %) sont fanas de la culture d’écrans, regardent MTV et aiment le rap. Surtout chez les moins de 30 ans et dans les villes.
5. Les amateurs classiques (13 %) pratiquent la culture "légitime", utilisent Internet mais pas pour des contacts sociaux, etc. Surtout chez les personnes plus âgées de milieux favorisés (78 % ont plus de 41 ans).
6. Les amateurs modernes (11 %). Ils sont éclectiques, aiment beaucoup de choses différentes, fréquentent les lieux branchés, utilisent beaucoup Internet.
7. Les voraces culturels (8 %). Les mêmes que le groupe précédent mais en plus éclectique et boulimique encore. On y trouve d’abord des urbains, d’âge moyen, de niveau socioprofessionnel élevé et avec une légère majorité de femmes.
Pour plus de clarté, on peut regrouper les deux premiers groupes qui forment le bloc des "out" culturels (41 %) et les deux derniers qui formeraient alors celui des "in" culturels (19 %).
L’étude remarque que ces clivages se retrouvent à Bruxelles, où la périphérie est et sud est plutôt "amateurs classiques", où les communes d’Ixelles, Saint-Gilles et Saint-Josse sont riches en "voraces culturels" ,et où le centre et l’ouest sont plus "désengagés culturels".
L’étude montre encore que l’éclectisme devient la norme chez les "voraces". Ils se sont accaparé les cultures dites populaires (BD, rap, films policiers, etc.). Ils viennent de classes favorisées et ont un haut niveau d’éducation. Alors que l’inverse n’est pas vrai. Les "défavorisés" ne vont toujours pas vers la "culture légitime".