YSL, la mode au présent
Les lumières sont tamisées, les mannequins privés de mouvement semblent hors du temps, une voix posée, presque timide - qui n’est autre que celle du créateur -, accompagne l’image à l’écran.
Publié le 30-01-2013 à 04h16 - Mis à jour le 30-01-2013 à 08h24
:focal(115x89:125x79)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/5UNBMJZ3KNBF5NIQB43QAYVV4M.jpg)
Les lumières sont tamisées, les mannequins privés de mouvement semblent hors du temps, une voix posée, presque timide - qui n’est autre que celle du créateur -, accompagne l’image à l’écran. Dès l’entame de l’exposition "Yves Saint Laurent, visionnaire", qui se tient à Bruxelles jusqu’au 5 mai, le visiteur sait qu’il pénètre dans une certaine intimité, lui conférant un statut privilégié. Un sentiment fondé puisque sur les 105 pièces choisies pour cette exposition originale, quatre sur cinq sont présentées au public pour la première fois. Une histoire va nous être contée, qui célèbre de fortes intuitions, une symbiose entre un créateur et une époque qu’il a traduite avec un talent hors pair, des inspirations maîtrisées, une féminité inédite.
Paper dolls
Ils sont venus, ils sont tous là, tenues, objets par centaines, documents par dizaines, certains jamais sortis des archives de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent. Particulièrement émouvantes sont les paper dolls, images de femmes qu’Yves Saint Laurent découpait dans les magazines de sa mère et pour lesquelles il a créé, encore adolescent, des collections complètes. Preuve de la précocité de ses aptitudes et de son professionnalisme, cette étape a été déterminante dans son parcours puisque ces réalisations se retrouveront entre les mains de Christian Dior qui, y trouvant résonances et ressemblance avec son propre travail, décidera de l’engager. C’était en 1955, Yves Saint Laurent n’avait alors que dix-neuf ans. Certaines paper dolls ici présentées sont des copies, pour permettre au visiteur de les manipuler de manière ludique. Autres documents particulièrement révélateurs, cette large sélection de croquis vedettes couvrant les années 1962 à 2002. Sur de grandes feuilles quadrillées sont disposés, de haut en bas et plusieurs modèles serrés les uns à côté des autres, le nom du mannequin qui portera le vêtement, les échantillons de tissus nécessaires à sa réalisation soigneusement épinglés et, enfin, les silhouettes. Présentées chronologiquement, ces fiches permettent notamment de rendre compte de l’évolution du dessin d’Yves Saint Laurent.
Cœur porte-bonheur
Dix thématiques, contextualisées à chaque étape, structurent la mise en scène orchestrée par Florence Müller, la commissaire de l’exposition : la modernité des années 60 et 70, dessiner l’époque, l’éclatement des couleurs, bouleverser les codes de la séduction, la mariée de 1965, le cœur, maison de couture de papier, l’alchimie du style, Saint Laurent rive gauche et l’art en mouvement. Dans ce riche parcours, épinglons quelques éléments. Comme la mariée de 1965, littéralement engoncée dans une prison de laine ou un cocon qui doit lui permettre de devenir une nouvelle femme, selon les interprétations. Comme ce grand cœur réunissant un panel de bijoux et accessoires disposés autour d’un cœur réalisé par le joaillier Roger Scemama. Ce bijou porte-bonheur, Yves Saint Laurent l’accrochait lors de chaque défilé sur son modèle préféré. Il y a aussi ces modèles détournés de leur sens premier et réinventés, qui ont forgé sa réputation : le caban de marin, la saharienne, le smoking ou les combinaisons de pilotes de chasse. Et ceux inspirés de peintres : Mondrian, pour la collection de l’hiver 1965, à une époque où son nom était peu connu, mais aussi Serge Poliakoff et Tom Wesselmann - les tableaux étaient transposés en trois dimensions, mêlant les jerseys colorés.
Ce qui frappe encore, c’est la perfection des réalisations. Ce n’est pas un secret : Yves Saint Laurent était très exigeant vis-à-vis de ses premières d’atelier. Contrairement à l’usage, celles qui œuvraient pour lui devaient être spécialisées à la fois dans le flou et dans le tailleur. L’on ne peut donc quitter ce singulier hommage sans penser aux heures que des mains habiles et invisibles ont passées sur ces créations d’exception.
Jusqu’au 5 mai 2013, à l’ING Cultural Center (6, place Royale à 1000 Bruxelles). Tous les jours de 10h à 18h, nocturne le mercredi jusqu’à 21h. Entrée : 6€/4€/3€. Gratuit pour les moins de 13 ans. Ateliers pour enfants (5 €), uniquement sur réservation : www.ing.be/art. Audioguide. Cahier du visiteur (12€).