Corbiau : "le luxe, pas la luxure"

L’architecte des collectionneurs est lui-même collectionneur. Un beau livre revient sur ses maisons. Rencontre

Guy Duplat
Corbiau : "le luxe, pas la luxure"
©Didier Delmas

Entre l’architecte Marc Corbiau et l’art contemporain, il y a une longue relation d’amour. Lui-même achète depuis des années, et dans sa maison, on admire des dessins de Sol LeWitt et Bruce Nauman, des œuvres de Fontana, Struth, Michel François, un grand dessin de Richard Serra qu’il pense d’ailleurs remplacer par sa dernière acquisition, une grande "cible" d’Ugo Rondinone.

"J’irai bien sûr à Art Brussels. J’aime visiter les nouveaux musées. A Houston et Dallas par exemple, où ils sont fabuleux. Mais j’aime aussi les foires d’art, aller à la chasse aux coups de cœur. Si j’achète, c’est plutôt un artiste qu’une œuvre. J’aime l’ idée qu’un peu de son âme puisse se trouver dans ma maison."

Marc Corbiau est aussi l’architecte préféré des grands collectionneurs d’art contemporain. Ses maisons sont synonymes de classe et de luxe. "Si luxe veut dire beauté et discrétion, oui, dit-il, mais pas ostentation qui est alors de la luxure." Un nouveau livre, aux superbes photos, édité chez Vision publishers, montre ses maisons principales depuis l’an 2000 (en plus de 40 ans de carrière, il en a construit plus de 200). Toutes celles du livre sont dans la pureté des lignes, un minimalisme chaleureux, un souci du lien à la nature et du rapport à la lumière. Les textes sont du critique d’art, Luk Lambrecht, par ailleurs directeur du centre d’Art contemporain de Strombeek.

Les exemples sont multiples : Guy Ullens, grand collectionneur d’art chinois actuel, a une maison Corbiau à Ohain, tel grand collectionneur d’art africain a fait de même, un film d’Hans Op De Beeck a une maison Corbiau comme décor, le groupe Lhoist et sa collection d’art lui a demandé de dessiner ses bureaux, etc. Avoir une maison Corbiau est devenu comme un trophée de richesse et de bon goût. "Mais j’ai aussi construit des immeubles et appartements bon marché", se défend-il, "en veillant là aussi à donner de la lumière."

Une maison de Jacques Dupuis

Sa maison et son bureau (modeste avec seulement cinq collaborateurs), se trouve dans une ancienne maison de l’architecte moderniste Jacques Dupuis qu’il admire. "En fait deux appartements de Dupuis que j’ai pu reprendre et agrandir", un signe de son amour des lignes pures. "J’ai un œil et je me aussi toujours inspiré de gens que j’admire, à commencer par Gisèle Croes, une amie de ma femme et grande antiquaire d’art chinois qui m’a montré la pureté admirable du palais Katsura au Japon."

Y a-t-il un style Corbiau ? "A chaque aventure, j’essaie de me remettre en question, mais en revoyant ce livre, je constate qu’il y a des constantes." Il montre comment il a laissé tous les rochers pour construire à Mykonos ou comment là, il a trouvé une table de bois à partir d’une piste de bowling. Qu’est-ce qu’une architecture réussie ? "La maison doit être là, à l’endroit où elle est, s’intégrer non seulement au paysage mais à l’esprit du lieu et que les matériaux suivent. Là, j’ai utilisé une longue brique danoise, là, une pierre de Meuse retaillée. Là, du béton." Au Zoute, il imagine maintenant une maison avec du chaume !

Citant son admiration pour l’architecte américain Richard Neutra ou pour la ville blanche de Tel Aviv, il poursuit : "Le principal est de soigner la proportion entre le vide et le plein, et de veiller à ce que la lumière vienne de tous les côtés." Longtemps, il a travaillé avec Wirtz pour les jardins mais aujourd’hui il aime le faire lui-même et cet amoureux des jardins, s’enthousiasme pour ceux de Piet Otlof à Venise ou sur la "high line" à New York.

Il réfute l’idée qu’il influencerait ses clients sur l’achat d’œuvres d’art. "C’est le contraire. Ce sont mes clients, par leurs demandes, les discussions que nous avons, qui m’ont appris tant de choses et m’ont ouvert les yeux. Je continue à avoir de très bonnes relations avec eux, on forme une sorte de petite mafia." Marc Corbiau qui, à presque 70 ans, travaille toujours beaucoup, a des projets à Bruxelles, en Flandre, à l’étranger dont trois grandes maisons au bord du lac de Genève. Tous ces projets ont d’abord été dessinés au crayon, à main levée. Il s’énerve parfois des "trucs" de l’architecture contemporaine qui ne tiennent pas compte de l’équilibre des lignes, de la lumière. Il cherche le beau, dit-il, qu’il trouve autant, ajoute-t-il, chez Buren (un Buren ancien trône dans son salon) que dans une œuvre du XVIe siècle.

Marc Corbiau, architecture 2000-2012, Vision Publishers; 304 pp., 39,5 € en softcover, 85 € en hardcover

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