Bonom, prince de nos murs, sort de l’ombre
L’auteur de fresques mémorables à Bruxelles expose à l’Iselp avec son complice photographe.
- Publié le 23-01-2014 à 16h49
- Mis à jour le 13-02-2014 à 08h53
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Un jour, la ville a changé. Bruxelles la grise, la pluvieuse, Bruxelles belle et libre, a hébergé de curieux animaux et squelettes apparus en une nuit sur ses murs aveugles. Un animal préhistorique courant le long du chemin de fer, un renard dévalant une façade, un bison, une baleine, un poulpe, une araignée géante. Défiant la police. Heureusement, malgré les pandores, la féerie s’est poursuivie et les habitants ont aimé cela. Ils furent même émus de voir apparaître, géant à la porte de Hal, un vieux monsieur malade et nu.
Cet artiste insaisissable, c’est Bonom, nom d’emprunt vaguement lié à celui de bonobo, le singe. Venu du street art, du graffiti, ce Français né en 1986 s’était fixé chez nous après des études à La Cambre de 2005 à 2008.
A la rue Ravenstein, à la gare de la Chapelle, au détour d’un mur, il s’est invité sans autorisation, prenant tous les risques pour peindre vite mais bien, accroché à un filin comme l’araignée à son fil, utilisant même l’encre de Chine. Aujourd’hui, ses fresques font partie du paysage urbain, elles ont même l’aval de la nouvelle échevine de la Culture à Bruxelles et personne ne songerait à les supprimer.
Mais Bonom tourne une page et est redevenu Vincent Glowinski, son nom. Cet artiste hors normes expose à l’Iselp au cœur de Bruxelles et est le sujet d’un beau livre publié aux Editions CFC.
L’Iselp a eu l’intelligence de ne pas "faire du Bonom" en chambre : pas de fresque pour l’occasion, mais un travail de mémoire et de re-création. Grâce d’abord aux photographies de Ian Dykmans, le photographe, son complice qui l’a accompagné la nuit sur les toits. Ian Dykmans travaille sur des papiers photographiques anciens, donne à ses images un côté nocturne, sépulcral, mystérieux. Sur la première photo, une vue panoramique de Bruxelles, on aperçoit Bonom minuscule, collé à son fil.
Utilisant des négatifs argentiques (de plus en plus difficiles à trouver) et un très lent développement manuel appelé "Lith", l’image devient archive, imprévisible, miraculeuse, comme échappée d’un livre ancien sur Arsène Lupin. Tout l’étage montre ses photographies avec des dessins préparatoires de Vincent Glowinski, alias Bonom.
Danse aussi avec Vandekeybus
En descendant à l’étage en sous-sol, on découvre un mur recouvert de 500 dessins de Bonom faits chaque fois d’un seul geste, lors de performances avec un musicien : des araignées, des pieuvres, des singes. Un bestiaire ébauché qu’il fait revivre, dans un geste libre de "chaman", commente Adrien Grimmeau, le commissaire de l’expo. Une histoire surgit, une vie : le bonhomme malade et décharné de la porte de Hal est le portrait de son père mort il y a peu. Il lui a redonné vie aussi sous forme d’une marionnette de cuir. Comme il a "sculpté" en cuir des squelettes d’animaux, bouclant un cycle allant de la vie aux os et puis, des os à la peau.
La "chorégraphie" de Bonom peignant très vite au bout de son fil ou enchaînant des dessins quasi à l’aveugle, ressemble à une danse. Comme celle qu’il a réalisée dans une performance au KVS et comme il le fait maintenant en participant à un spectacle de danse avec Wim Vandekeybus, "Méduses", qui tourne en Flandre, viendra en mars à Maubeuge, au Festival Via, puis à Charleroi-Danses et au KVS.
Bonom-Glowinski dépasse le street art de ses débuts, tout en l’incluant et en ne s’interdisant pas d’y revenir. Laissant la surprise à la poésie.
"Bonom, le singe boiteux" jusqu’au 22 mars à l’Iselp, bd de Waterloo 31, Bxl. Beau livre monographique édité à cette occasion par CFC éditions.