Cocktail détonant : technologies, art et humour étrange
La grande exposition de Via, en prélude à ce qu’offrira Mons 2015.
Publié le 14-03-2014 à 15h49 - Mis à jour le 17-03-2014 à 12h48
:focal(305x160:315x150)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/JL7NH7JNYRHCFGINDJKEPBUK4Q.jpg)
Le Festival Via qui débute et réunit Mons et Maubeuge propose, depuis vingt ans, une exposition et des spectacles mêlant art et technologies. Il est en ce sens une belle introduction à l’univers que déploiera l’an prochain Mons 2015, centré sur ce thème. L’exposition à Maubeuge "Micro macro" est épatante, ouverte à tous, y compris les enfants. Elle voyagera ensuite à Créteil et sera tout l’été à la gare Saint-Sauveur de Lille.
Son maître d’œuvre est Didier Fusillier, celui qui a réussi "Lille capitale européenne de la Culture" et qui conseille Mons 2015.
On y trouve des installations poétiques ou spectaculaires, drôles ou inquiétantes, venues de tous les coins du monde, d’artistes souvent jeunes, maîtrisant les technologies les plus pointues.
Philippe Decouflé
Cette année, l’invité d’honneur est Philippe Decouflé, le chorégraphe inoubliable de "Codex" et "Decodex". Avec sa compagnie DCA, il est aussi créateur d’univers baroques et merveilleux. Dès l’entrée, on repère un grand globe coloré dans lequel on peut glisser sa tête tandis que les autres visiteurs la découvrent alors, immensément agrandie. Chacun est invité à y faire des grimaces. A côté, des caméras vous filment et redonnent votre image multipliée, colorée et ralentie comme dans les films de Muybridge au début du XXe siècle. On peut en jouer à sa guise et, par exemple, changer de cap et se heurter à sa propre image !
"L’Hexaboîte" est un kaléidoscope géant comme on en avait dans nos rêves d’enfant. On peut y pénétrer, contrôler ses facettes, y glisser les mains. Philippe Decouflé a aussi inventé de drôles de meubles Art deco, XIXe siècle, pleins de jeux d’optique et de trompe-l’œil, des meubles qui semblent sortis du cabinet d’un spiritiste.
Inquiétant
Côté étrangeté, on voit à l’expo le film et les "objets" de l’artiste Heater Dewey-Hagborg. Elle a reconstitué le génome de personnes à partir de traces qu’elles ont laissé involontairement derrière elles (ongles rognés, chewing-gums abandonnés). A partir de ces microtraces, elle peut retrouver la couleur des yeux et des cheveux, le sexe, jusqu’à refaire des portraits en 3D. Elle a testé cela sur elle-même et retrouvé un portrait ressemblant.
Alain Josseau a construit une installation sur le danger des images virtuelles. Une caméra filme un paysage miniature et les images créées ressemblent exactement à celles des drones ou à celles qu’un hélicoptère américain de combat reçoit des villages irakiens qu’il bombarde. On comprend alors mieux comment des erreurs dramatiques ont pu avoir lieu comme ce bombardement en Irak d’un groupe de journalistes à la place de terroristes présumés.
Pure beauté
Il y a aussi des installations de pure beauté, comme celle du Japonais Ryoichi Kurokawa qu’on avait déjà vue à la Villa Empain à Bruxelles. Des images abstraites qui défilent à grande vitesse, comme des signaux scientifiques, arachnéens, fins comme des dessins, une sculpture audiovisuelle.
Ou une grande installation, pénétrable, de lumière et de coups de tonnerre.
Le côté ludique est représenté d’abord par le Belge Kris Verdonck et sa grande installation "Monster". Des centaines de lapins en peluche, identiques, sont couchés dans un bac à sable. Tout est silencieux, jusqu’à ce que - brusquement - ils se tournent, se retournent en un bruit étrange.
Aspirateur et tronçonneuse
Boris Petrovsky, lui, fait chanter et bouger nos appareils électroménagers. Il a construit une vraie tour, faite de tronçonneuses, scies électriques, toasters, aspirateurs, batteurs, etc. Tous connectés et en état de marche. Le visiteur peut parler à un mégaphone et sa voix est analysée et provoque une réponse individualisée des appareils. On se demande ce qui se passerait si ces engins venaient à se révolter.
Ces formes d’art très branchées sur les technologies neuves sont fascinantes. Pointons encore deux artistes : le Japonais Hiroto Ikeuchi a désossé des PC en ordre de marche et les a transformés en camps retranchés de soldats de plomb protégeant nos données personnelles ! Le plus troublant est cependant le travail simple et percutant de Bernd Oppl : deux caméras filment deux maquettes qui tournent. Les images projetées forment un parcours dans l’univers angoissant d’un David Lynch.
"Exposition Micro-Macro", à Maubeuge, jusqu’au 23 mars, à l’espace Sculfort, ensuite au Festival Exit à Créteil du 27-3 au 12-4 et, enfin, durant l’été, à la gare Saint-Sauveur de Lille à partir du 21 mai.