Véronèse prince de la couleur
Splendide parcours Véronèse à Londres. Les joyaux d’un championdes chromatismes. Cinquante pièces venues du monde entier.
Publié le 26-03-2014 à 00h00 - Mis à jour le 27-03-2014 à 13h59
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Intitulée : "Véronèse : la magnificence de la Renaissance à Venise", l’exposition met en scène, sur murs pourpre ou gris, 50 pièces majeures d’un des peintres les plus influents du XVIe siècle. Venues du monde entier pour saluer cet archange du bleu, du jaune, du vert dans leurs tonalités les plus incomparables, ces pièces à conviction signent ensemble le meilleur Véronèse jamais montré en Grande-Bretagne. Un moment fort de la saison anglaise des arts pour un coup de chapeau inédit à Paolo Caliari (1528-1588), mieux connu sous le patronyme de Véronèse. Lequel brilla en une cité des doges alors à l’apogée de sa brillance. Véronèse en tira profit tout autant qu’il célébra sa ville en l’assortissant de chefs-d’œuvre. Eglises, palaces, villas du Veneto s’en souviennent toujours. Véronèse fit chorus chromatique à l’opulence d’une cité en veine d’éblouir le monde. Différents aspects de son corpus sont explorés à la National Gallery. Et l’exposition, choix habile, développe ses charmes à côté même de la salle qui préserve en permanence les tableaux phares de Bordone, du Tintoret, de Titien.
Portraits et tableaux mythologiques
Le parcours invite à saisir les différents aspects inscrits dans l’œuvre entier du Vénitien aux verts si resplendissants qu’on évoque toujours, avec gourmandise, le vert Véronèse. Outre les pièces prêtées par de grands musées, l’institution londonienne a réussi à faire venir à Londres des tableaux d’autels, qui voyagent rarement. Notamment "Le Martyre de saint Georges", vers 1565, de l’église San Giorgio in Braida, de Vérone, et le "Mariage mystique de sainte Catherine", 1565-1570, conservé à l’Academia, à Venise. Emblématiques, ces pièces se retrouvent ainsi en bonne compagnie autour de "La famille de Darius avant Alexandre" de la même époque, trésor de la National Gallery.
Né à Vérone en 1528, fils d’un tailleur de pierre, Véronèse quitta sa ville natale pour Venise vers 1550. Une cité qu’il quitta peu par la suite. Encouragé par Titien, il y travailla avec Jacopo Sansovino et Andrea Palladio. Son art y fit merveille et son influence fut considérable, sa réputation posthume ayant engagé bien des peintres à se ranger, de près ou de loin, sous son aile influente. Les spécialistes sont formels : Van Dyck aussi bien que Rubens, Tiepolo, Watteau ou Delacroix, lui doivent tous quelque chose.
Energie, tension, souplesse
Deux tableaux, "La Tentation de saint Antoine", 1556, du Musée de Caen, et "Iseppo da Porto et son fils Leonida", 1552, des Offices, expriment bien l’énergie et la tension que dégagent les meilleurs tableaux de Véronèse, une espèce de force brutale, vivante, confortée par la lumière émergée des regards. Quelques-uns de ses portraits sont fameux. Dans "Portrait d’un gentleman" (vers 1560-65) du Musée Getty, on voit un homme en noir, sûr de lui, brillant, la trouvaille du tableau résidant dans le contraste accusé entre le noir des vêtements et le blanc des marbres à l’entour. Dans "Portrait de dame", de la même époque, préservé au Louvre, l’attrait de la peinture se circonscrit autour des transparences des voiles et du visage, de la gorge à la grâce amplifiée par le bleu de la robe. Chaque tableau de Véronèse est une leçon de peinture. Prenons "La Vierge et l’Enfant avec saint Antoine et Paul l’Ermite", 1562. Y excelle une composition audacieuse entre le ciel, habité par la Vierge, l’Enfant, les anges, et la terre sur laquelle reposent les saints. Entre le bleu rayonnant du vêtement qui encadre la Vierge et l’Enfant et le brun terreux des défroques des deux saints. Entre les regards des uns vers le bas, des autres vers le haut. Véronèse avait l’art de dynamiser ses compositions, ce qui nous les rend toujours actuelles et vibrantes.
Amours et mythes
Lumière et couleurs illuminent les œuvres du Vénitien. Un artiste qui sut aussi explorer les divers registres de l’âme humaine. De sa religiosité à ses amours païennes. "Respect", peint vers 1570, nous montre une Vénus dénudée, endormie sous les rouges et les roses, à sa gauche un homme paré de jaune et de vert. C’est lumineux ! Magnifique aussi ce petit "Mars et Vénus" de 1575-80 ou encore "Mars et Vénus unis par l’Amour", même époque, un idéal transfigurant la scène. Retenons enfin cette "Lucretia" tardive, vers 1580-85 : sous les parures, la femme éternelle.
The National Gallery, Trafalgar Square, Londres. Jusqu’au 15 juin, de 10 à 18h, le vendredi jusqu’à 21h. Catalogue en couleurs, texte de Xavier F. Salomon. Infos : www.nationalgallery.org.uk