Les rois de la Sape au Zoute !
Une belle édition du Fotofestival envahit les rues de la station balnéaire.
Publié le 07-04-2014 à 16h20 - Mis à jour le 07-04-2014 à 16h52
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Une belle édition du Fotofestival envahit les rues de la station balnéaire.
Le Fotofestival de cette année, dans les rues de Knokke-Le-Zoute et Heist, ne manque pas de panache. Plus de 100 grandes photographies de 17 artistes interpellent les passants sur le thème de "Haute Africa". Ce n’est pas une référence géographique mais bien un clin d’œil à "Haute couture". Il s’agit ici de montrer la créativité débordante des Africains en matière vestimentaire. Des grands photographes donnent une image originale de l’Afrique, sans nier ses difficultés.
Un exemple frappant est à la place Albert, la célèbre "place m’as-tu vu ?", sur une construction provisoire, avec huit grandes photographies de Daniele Tamagni, un Italien qui a réalisé un reportage haut en couleur sur les "sapeurs" de Brazzaville, la célèbre "Sape", "Société des ambianceurs et des personnes élégantes" qui fleurit aussi à Kinshasa : un homme en complet rouge, chaussures rouges incluses, des cravates, nœuds pap et lunettes folles, des gros havanes aux lèvres. Pour Tamagni, ils sont des "révolutionnaires" qui veulent échapper un instant, par leurs habits, à leur misère.
Avoir placé là ces photos est tout sauf un hasard. L’excellent commissaire du festival, Christophe De Jaeger, crée ainsi un parallèle avec les "sapeurs habituels" du Zoute qui paradent sur la place avec leurs grosses voitures et leurs vêtements griffés.
On retrouve les sapeurs, sur la digue, entre Duinbergen et Heist, avec le photographe congolais Baudouin Mouanda et l’Espagnol Héctor Mediavilla. Avec leurs habits flamboyants, leurs personnages veulent "casser" la colonisation par les habits.
Le grand Parr
Avec humour, le festival a invité aussi Martin Parr qui expose un choix de ses photos sur une grande tour au milieu de la place Rubens, autre grand lieu de Knokke. Parr est un photographe qui dénonce notre société de consommation et son inanité en mettant l’accent sur les clichés qu’elle véhicule et cela avec un humour formidable. Des grandes photos couleurs avec des sujets pris de très près, au flash. Ici, lors de la Durban July, la plus grande course de chevaux d’Afrique du Sud. Le "beau monde" des Blancs y parade avec sa "sape" : champagne, lunettes griffées, chapeaux excentriques. Martin Parr a sa théorie : "Si vous ne pouvez pas combattre les clichés, prenez-les." Et il a bâti une œuvre en traquant ces icônes pour mieux démonter le système. Il a réalisé jadis une série sur Knokke-Le-Zoute : des riches, bronzés comme du chocolat, étalés sur des fauteuils de plage comme des méduses, avec à l’arrière une Ferrari ou une boucle d’oreille en diamant. "Knokke-Le-Zoute, c’est incroyablement petit-bourgeois, mais avec en plus de l’argent qui coule comme je ne l’avais jamais vu", disait-il.
Les églises jouent le jeu
Le Fotofestival n’hésite pas à bousculer avec audace comme en témoigne la série de Zanele Muholi dans le cloître de l’église des Dominicains sur les jeunes homosexuelles d’Afrique du Sud, chassées, mais qui affichent leurs codes vestimentaires. Plus loin, sur la "lichttoren plein" rhabillée il y a quelques années d’une étrange couleur rose, Sabelo Mlangeni présente son travail sur les "Gay Prides" en Afrique du Sud.
Audace toujours dans le quartier de la gare. Dans le porche de l’église Margareta, les grandes photos de Namsa Leuba interrogent l’identité religieuse africaine par des portraits de personnages habillés et maquillés comme les statuettes des fétiches. A l’intérieur, dans le chœur vidé, sous le baldaquin de l’autel, un immense drap pendu semble joliment peint de fleurs mais ce sont des têtes coupées qui tombent. Un fort travail de Wangechi Mutu qui frappe à l’heure du souvenir du génocide rwandais.
Sur la plage devant la Rubensplein, les photos en clair-obscur de Jehad Nga rappellent aux vacanciers qu’ailleurs sévissent des terrifiantes sécheresses. Le grand artiste nigérian Yinka Shonibare réinterprète Goya et les monstres qui surgissent quand la raison s’endort. Hassan Hajjaj, le Warhol du Maroc, crée des portraits très Pop avec marques célèbres mélangées aux tissus religieux.
On reçoit gratuitement une brochure avec explications et plan des 17 endroits à voir, au centre culturel De Scharpoord, derrière le lac de l’ancienne Réserve.
"Haute Africa", Fotofestival Knokke-Heist, jusqu’au 9 juin, www.fotofestival.be