Un formidable Macbeth congolais
Enthousiasme pour ce Macbeth de Verdi, transplanté à l’est du Congo. Critique.
Publié le 14-05-2014 à 17h40 - Mis à jour le 15-05-2014 à 12h12
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C’est un des grands moments de cette édition du Kunstenfestivaldesarts. Mardi soir, le public, debout, a fait une très longue ovation à cet opéra particulier : une version du Macbeth de Verdi transposé dans les guerres sanglantes de l’Est du Congo. La tragédie shakespearienne semble faite pour la pire guerre de ces dernières décennies. Il y a eu plus de cinq millions de morts au Congo, suite à l’arrivée des Hutus venus du Rwanda, aux tensions créées, aux guerres entre milices armées souvent manipulées par des pays étrangers ou des compagnies minières avides de piller les ressources du Kivu. Dans un tel climat naissent des chefs de guerre comme des Macbeth, à l’ambition démesurée, et à qui des sorcières prenant la forme des compagnies minières, promettent argent et pouvoir. Aiguillonnés par des Lady Macbeth ambitieuses, ils sombrent dans le sang et le meurtre en série. Le metteur en scène sud-africain, blanc, Brett Bailey, né en 1967, avait bouleversé le Kunsten en 2012 avec sa performance "Exhibit B", dans l’église du Gesu en face du Botanique : un "zoo humain", vivant, dénonçant les atrocités coloniales en Afrique. Une "exposition" qu’on a vue ensuite à Avignon. Il montre à nouveau tout son art en utilisant parfaitement le jeu théâtral, l’humour, la vidéo, l’image d’animation, pour rendre très forte cette "transposition". Brett Bailey ne cesse de dénoncer l’exploitation, jadis par le colonialisme, aujourd’hui par l’avidité capitaliste et des élites corrompues. Il rappelle qu’on parle bien plus de la Syrie que de l’Est du Congo où il y eut pourtant beaucoup plus de viols, d’orphelins, de déplacés, de mutilés et de morts.
Grande émotion
Mais bien sûr, l’essentiel est la musique. Tout le spectacle est chanté en italien avec les airs de Verdi et la musique de Verdi (arrangée par Fabrizio Cassol), jouée live sur scène par l’orchestre No Borders. Les chanteurs, tous noirs, parfois d’anciens réfugiés, sont magnifiques. Leur voix et leur présence sur scène sont captivantes. Le Macbeth, tout en rondeur physique, est chanté et joué par le baryton sud-africain Owen Metsileng. Lady Macbeth trouve une interprète tout aussi belle et convaincante avec la soprano sud-africaine Nobulumko Mngxekeza. Comme est émouvant le chœur des réfugiés arrivés à Goma avec leurs valises et leur misère. Deux heures d’opéra de grande émotion, se terminant par le chant de victoire du chœur, mais paradoxalement lent, triste et sublime, faisant se soulever la salle pour applaudir les chanteurs. Ce Macbeth venu d’Afrique montre que l’art de Verdi et de Shakespeare est bien universel quels que soient le pays d’origine des chanteurs et la région du drame.
Macbeth, au KVS, les 15 et 16 mai, Rés. : 070.22.21.99 et www.kunstenfestivaldesarts.be