Au lit, avec Ron Mueck
Jusqu’en mars 2015, le magnifique bâtiment de verre de Jean Nouvel, de la "Fondation Cartier pour l’art contemporain", est voué à fêter les 30 ans de cette institution à nulle autre pareille.
Publié le 23-06-2014 à 10h01
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La Fondation Cartier fête ses 30 ans, un lieu hors du commun.Jusqu’en mars 2015, le magnifique bâtiment de verre de Jean Nouvel, de la "Fondation Cartier pour l’art contemporain", est voué à fêter les 30 ans de cette institution à nulle autre pareille. On y montre d’abord, jusqu’au 21 septembre, par rotations, dans "Mémoires vives", des dizaines d’œuvres emblématiques acquises par la Fondation au fil de ses expos (la collection compte 800 œuvres). A les (re) voir, on se remémore l’histoire d’une institution qui a tant innové.
Ce mois-ci, on peut retrouver ainsi, au sous-sol, la femme géante, dans son lit, hyperréaliste de Ron Mueck, une des stars de la Fondation. La dernière expo Ron Mueck avait attiré 310 000 visiteurs !
On revoit aussi l’avion grandeur nature du designer Marc Newson, les grands brise-lames en bois, sur le sable, de Raymond Hains, les centaines de dessins de David Lynch, les œuvres faites à l’explosif par Cai Guo-Qiang, un Chéri Samba ou encore toute une ville imaginaire qui serait le Kinshasa rêvé de Bodys Isek Kingelez. Chacune de ces œuvres ou de ces films projetés (d’Agnès Varda à Depardon) agit comme la madeleine de Proust rappelant des moments de surprises et de bonheur à la Fondation.
Précisons d’emblée que si celle-ci émane de la Maison Cartier, elle en est totalement indépendante et jamais on ne voit la moindre allusion à la firme de luxe.
Beauté des maths
La Fondation Cartier est du pur mécénat imaginé en 1984 par Alain-Dominique Perrin, toujours à la tête de Cartier. Il découvre un domaine à Jouy-en-Josas dont il fait une résidence pour artistes dirigée d’abord pendant dix ans par Marie-Claude Beaud. Gérée en toute indépendance, elle invite autant Raymond Hains, Bill Viola, Cai Guo-Qiang et Chéri Samba que de jeunes artistes français comme Fabrice Hybert, Othoniel et Absalon.
Vite, la Fondation est sortie des chemins habituels, privilégiant une vue très transversale de la culture et des expos, montrant autant l’art contemporain que les arts primitifs, le design, le cinéma, la BD, la mode. On se souvient du coup de tonnerre que fut, en 1987, une expo sur…. Ferrari. On a vu aussi des expos thématiques sur la vitesse, le désert, les Indiens Yanomamis et une exposition très réussie sur la beauté des mathématiques après une rétrospective César.
Boulevard Raspail
William Eggleston, Raymond Depardon, Takeshi Kitano firent l’objet de commandes de la Fondation. Elle a pu alterner une expo sur l’art vaudou et une sur les carnets de Moebius, avec une autre sur l’art du graffiti.
L’étape fondamentale fut, bien sûr, l’implantation à Paris, en 1994, au boulevard Raspail dans la maison de verre de Jean Nouvel. Depuis vingt ans, la Fondation est dirigée par Hervé Chandès, toujours dans le même esprit de découvertes audacieuses et transdisciplinaires.
Alain-Dominique Perrin n’hésite pas à se démarquer des autres lieux : "J’ai toujours voulu montrer des choses que les gens ne trouvaient pas ailleurs, être en rupture, dit-il. François Léotard avait inventé la formule de "clergé culturel" que je trouve magnifique et m’avait recommandé de m’en méfier. Un clergé qui par exemple s’est esclaffé quand j’ai parlé d’exposer David Lynch."
Partisan des mélanges, chantre du mécénat, il a obtenu de pouvoir revendre si nécessaire des œuvres, mais à la condition que le produit de la vente soit remis dans le pot pour acheter d’autres œuvres. La Fondation Cartier est un exemple très réussi de mécénat au service d’une culture ouverte et de surprises. A savourer sans modération.
Fondation Cartier, "mémoires vives", par étapes jusqu’en mars 2015. www.fondation.cartier.com. A Paris, avec Thalys, 25 trajets par jour, à 1h20 de Bruxelles.