Balade dans trois musées proches, au bord de la Lys
Trois dynamiques musées de la région de la Lys s’unissent pour offrir, cet été, une très belle et riche "Biennale de la peinture". Plus de 200 tableaux de peintres contemporains (de Marlène Dumas à Luc Tuymans) mais aussi du XXe siècle (d’Ensor à Rik Wouters), sur le thème de "La touche du peintre".
Publié le 30-06-2014 à 16h45 - Mis à jour le 01-07-2014 à 11h51
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Près de Gand et de Laethem-Saint-Martin, le célèbre village des expressionnistes flamands, coule la Lys. Et en été, c’est un plaisir de se balader à vélo ou à pied sur ses rives, ou de déjeuner sur l’herbe en regardant brouter en face, les vaches aux regards si apaisés. Ou, si on en a les moyens, de déjeuner dans une de ces auberges champêtres à la cuisine raffinée qu’affectionne la bonne bourgeoisie des environs de Gand. Ou encore de flâner dans les rues de Deurle, un village d’artistes, ou faire une halte au château d’Ooidonk.
On peut cumuler ces plaisirs avec ceux de l’art en visitant la quatrième "Biennale de la peinture" organisée conjointement par le musée Dhondt-Dhaenens à Laethem-Saint-Martin, le musée Roger Raveel de Machelen (Zulte) et le musée de Deinze (musée de la Lys) sur le thème commun de "La touche du peintre". Trois musées à l’architecture contemporaine, et géographiquement proches. Il y a seulement 13 km entre eux trois, le long de la Lys. Visiter les trois musées le même jour est très aisé (c’est possible du mardi au dimanche) et revient à découvrir une riche et belle exposition de plus de 200 peintures superbes, contemporaines ou modernes.
Pour eux, le mot Biennale, ne signifie pas "artistes émergents", mais bien "coup de rétroviseur" sur la peinture de ces dernières années, essentiellement à travers leurs collections et celles des riches collectionneurs flamands. Mais avec aussi la découverte de jeunes talents (Jerry Galle, Ermias Kifleyesus).
Déjà à la bombe
On découvre à nouveau que ces "petits" musées peuvent programmer des expositions très riches. Ils rivalisent allègrement avec les grands musées. Et on se réjouit d’y voir cet art moderne et actuel qui existe si peu à Bruxelles sauf au Wiels et à Bozar.
Les trois musées y participent d’abord par souci de confronter leurs propres collections à l’art d’aujourd’hui. Le Dhondt-Dhaenens a une grande collection d’expressionnistes flamands (Laetem-Saint-Martin est à côté), le musée Raveel, comme son nom l’indique, est lié à l’artiste flamand mort récemment et le musée de Deinze a une belle collection d’artistes flamands du XXe siècle, d’Emile Claus à Fritz Van den Berghe ou Gustave Van Woestijne.
Chaque musée joue sur ses particularités. Joost Declercq au musée Dhondt-Dhaenens, profite de ses grandes salles lumineuses pour proposer des ensembles autour de quelques artistes. Cette année, il est parti de deux artistes de sa collection, Rik Wouters et Henri-Victor Wolvens. Le premier avec sa touche si légère qu’il laissait des espaces vierges sur la toile. Le second, au contraire, accumulant la peinture.
Autour d’eux, de beaux ensembles d’artistes actuels : Roy Lichtenstein "pixellisant" dans toutes les couleurs les meules de foin de Monet, de superbes grands tableaux de Philippe Vandenberg du début des années 2000 qu’on n’avait pas encore vus, un peintre norvégien Kjell Nupen, aux lumières magiques rappelant Munch, une variation sur le blanc de Robert Ryman, la redécouverte de Martin Barré, un Français qui peignait déjà à la bombe au début des années 60, les tableaux quasi abstraits de Koen van den Broek qui sont la condensation de sa perception du paysage urbain américain.
L’intérêt comme dans le reste de la Biennale est de découvrir l’infinité de manières de peindre et la liberté absolue du peintre.
La folle audace d’Ensor
On retrouve la même recherche au labyrinthique musée Raveel, au centre du village, qui se prête par ses petites salles à des juxtapositions d’œuvre à œuvre d’artistes différents. Toutes les possibilités de peindre : avec les doigts (Agnès Maes), la peinture "massive" de Bram Bogart ou Eugène Leroy, les très émouvants hommages de Pascale Marthine Tayou aux morts de Bangui avec de la terre et des objets, les papiers découpés de Guy Mees comme peinture à l’instar de Matisse, les sérigraphies de Warhol ou l’audace insensée des couleurs d’Ensor à la fin de sa vie. Fontana troue la toile, d’autres l’enduisent de cire, Geyskens malmène le tableau, mais Robert Devriendt, pour ses tout petits tableaux cinématographiques, reprend les techniques des Primitifs flamands ! Il y a même une photographie de Dirk Braeckman exceptionnellement en couleurs : une vraie peinture…
Le musée de Deinze ajoute d’autres artistes comme ce magnifique autoportrait nu de Marlène Dumas, les paysages explosés de Virginie Bailly et l’étrangeté hyperréaliste du Japonais Naoto Kawahara reprenant des sujets connus de la peinture mais avec des figures japonaises. On découvre aussi à Deinze comment des peintres plus anciens ont varié dans leur touche : quand Felix De Boeck était "vangoghien", quand Permeke ressemblait à Matisse, que Frits Van den Berghe était sombre, qu’Henri Van de Velde croyait encore au pointillisme.
Un voyage passionnant dans la peinture elle-même, et ses infinies possibilités, idéal pour une balade un beau jour d’été.
Musées très dynamiques
Le musée Dhondt-Dhaenens s’est montré ces dernières années comme un des musées belges les plus intéressants. Avec une audace mémorable. On se souvient de l’expo de Santiago Sierra qui avait fait enlever toutes les fenêtres du musée, pour le laisser ouvert au vent, aux feuilles, aux passants et à la pluie. Ou celle de Thomas Hirschhorn qui avait accumulé dans le musée des dizaines de milliers de canettes vides. Mais il y eut de nombreuses expositions mettant en lumière la riche collection du musée ou des collections privées comme celles de Tony Herbert, du docteur Matthys ou de l’architecte liégeois Charles Vandenhove. Après cette Biennale de peinture, en octobre, le beau musée fermera jusqu’en mars pour réaliser d’importants travaux : le grand architecte gantois Paul Robbrecht développera autour du hall d’entrée un espace nouveau pour l’accueil et les débats. Et à l’arrière du musée, l’artiste Hans Op De Beeck investira une maison appartenant au musée pour en faire un lieu nouveau abritant la bibliothèque de Jan Hoet et une résidence d’artiste.
Le beau musée Raveel à Machelen (Zulte) est dû à l’architecte Stéphane Beel. Son directeur, Piet Coessens, a eu très peur l’année dernière, après la mort de Roger Raveel quand sa veuve avait droit à la moitié de la collection, mettant en péril l’avenir du musée. Mais depuis lors, grâce à l’intervention de la province, un accord a pu être trouvé et tout est redevenu serein.
Le "musée de Deinze et de la région de la Lys" au centre de Deinze est le moins connu des trois. Une architecture moderne des années 50 qui a un peu vieilli, avec des murs jaunes, des plafonds bas et des accrochages difficiles. Mais on pense à la moderniser et il a de riches collections et des expos intéressantes. Il est situé au bord de l’eau dans une ville ambitieuse comme le démontre la construction, à côté du musée, du nouvel hôtel de ville et cité administrative dus à un grand architecte anglais, Tony Fretton. Particularité : la salle du conseil sera sur une sorte d’estrade et sera entièrement vitrée, ouverte aux regards des passants (la transparence publique !), devant la Lys.
>Jusqu’au 12 octobre avec un guide du visiteur en français, une carte des itinéraires en vélo, ouvert de mardi à dimanche de 10h à 18h (le Raveel ferme à 17h). Infos : www.museumdd.be; www.rogerravelmuseum.be; www.museumdeinze.be