La musique est révolutionnaire, l’art en témoigne…
La Villa Empain propose un magnifique parcours artistique sur la force révolutionnaire de la musique. Des dizaines d’œuvres venues en partie du monde arabe et de l’Iran, mais aussi d’Europe et d’Extrême-Orient en témoignent.
Publié le 30-09-2014 à 16h28 - Mis à jour le 01-10-2014 à 11h14
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La musique a une force révolutionnaire. En témoignent les Pussy Riot à Moscou, le piano installé sur la place des barricades à la place Maïdan de Kiev ou le chanteur Ramy Essam sur la place Tahrir pendant la révolution. On ne comprend pas la contestation des Américains des années 70 sans les "protest songs". A la même époque, les jeunes contestataires du pouvoir soviétique à Moscou se gavaient des Beatles.
En Iran aujourd’hui, la danse en public est interdite et les femmes ne peuvent pas chanter devant des hommes, mais dans l’intimité des appartements, des jeunes dansent toute la nuit sous des musiques disco. Au Caire, Nasser avait bien compris la force des chansons d’Oum Kalthoum qui galvanisaient le peuple. A ses funérailles, filmées par Youssef Chahine, la foule fut innombrable dans une hystérie invraisemblable.
C’est ce pouvoir que la nouvelle et fort belle exposition à la Villa Empain à Bruxelles veut montrer par des dizaines d’œuvres artistiques venues, comme toujours à la Villa Empain, en partie du monde arabe et de l’Iran, mais aussi d’Europe et d’Extrême-Orient. Œuvres choisies par la commissaire Diana Wiegersma.
Marilyn Monroe
Le visiteur est accueilli par les notes du piano de Charlemagne Palestine qui viendra en personne, parfois, jouer sur son immense Bösendorfer couvert de peluches. A l’étage, une vitrine montre la photo prise la nuit d’une performeuse et chanteuse, Ninar Esber, et devant elle, la petite robe rouge qu’elle portait ce soir-là et la rose qu’elle avait dans les cheveux. Elle était montée en 2008 sur le toit d’un immeuble d’un quartier populaire du Caire pour y chanter la chanson de Marilyn "I Wanna be Loved by You". Cela créa un mouvement des intégristes barbus qui sont venus faire arrêter ce "scandale" mais elle fut protégée par une barrière de femmes voilées.
L’exposition est ainsi pleine de surprises. Comme de revoir la première vidéo de Pipilotti Rist découvrant sur son corps le pouvoir de la musique de John Lennon évoquant Yoko Ono, et chantée de manière nasillarde.
Le rock est devenu une religion avec ses fans comme le montre Dan Graham. Flairant cela, le monde chrétien a créé du rock chrétien et Ende Wieder, un collectif d’artistes, a compilé 666 (le chiffre du diable) morceaux de rock chrétien, en une plage unique à haute teneur en soufre.
Des artistes iraniens évoquent l’interdiction de la musique comme Anahita Razmi qui a filmé les six heures de danse marathon dans un appartement de Téhéran sur la musique "Domino dancing" des Pet Shop Boys.
Et l’Iranienne Newsha Tavakolian a photographié des femmes chantant de face, avec leur foulard sur les cheveux, mais en silence puisqu’elles sont interdites de son. Mais la photo montre que néanmoins ces femmes chantant en silence, les yeux fermés, sont transportées par la musique.
Amour à… Saddam
On retrouve à l’exposition des noms connus comme Nam June Paik, Shirin Neshat ou Massimo Vitali.
Mais ce sont les surprises qui sont les plus sympathiques. Dans le sud de l’Italie, dans les Pouilles, une croyance millénaire pense que seule une danse endiablée, la tarentelle, peut chasser du corps la morsure vénéneuse d’une araignée, la tarentule. Cette danse est filmée par Joachim Koester.
Ne ratez pas la belle musique des battements des mains usées d’ouvriers immigrés filmées par Melik Ohanian et, à la cave, l’installation à trois écrans de l’Irakien Adel Abidin : il a fait chanter par trois superbes chanteuses blondes de Finlande une chanson arabe qu’elles ne comprennent pas et qu’elles chantent sensuellement, mais qui est un hymne guerrier à Saddam Hussein !
Plus délicate est l’œuvre de l’Algérien Yazid Oulab qui a filmé des vapeurs d’encens s’élevant et qui sont parfois "soufflées" par le souffle du chant des soufis…
Un parcours splendide.
"Music Palace, the power of music seen by visual artists", Villa Empain, av. Roosevelt 67, Bruxelles jusqu’au 8 février.