Le faux du faux est vrai : un Leckey explosif

A l’opposé d’Ana Torfs, Mark Leckey a toute l’énergie de notre monde virtuel.

Guy Duplat
Le faux du faux est vrai : un Leckey explosif

En parallèle, sur deux étages, le Wiels présente la première rétrospective de cette taille de l’artiste anglais Mark Leckey (commissaire Elena Filipovic). Lui aussi procède à une archéologie de la connaissance, mais liée chez lui aux cultures populaires (le rock, les marques de pub, la consommation, etc.) et à la manière avec laquelle Internet et ses avatars changent notre vie. Le titre de son expo et la démarche de l’artiste renvoient à la phrase d’Apollinaire visant les premiers films de Méliès : "Nous enchantons la matière vulgaire."

Mark Leckey reçut le prestigieux Turner Prize en 2008, après sa vidéo devenue "culte" : "Fiorucci Made Me Hardcore". Il l’avait réalisée comme un montage d’après des centaines de vidéos amateurs que des jeunes lui avaient adressées sur leurs soirées dansées et arrosées. Enfermé dans son appartement, cloué devant ses appareils, Mark Leckey, en archéologue, mettait au jour les pratiques des jeunes.

Un vrai "cabinet de curiosités"

On retrouve dans l’expo les traces de ces œuvres interrogeant le désir, l’imaginaire, la mémoire aujourd’hui. Au centre de la salle, trône un grand frigo noir, sur un "green screen", dont sort un son sourd et répété comme un cœur battant. Autour, des ersatz de sculptures se font face : des enceintes de mégaconcerts hautes comme des maisons, des pylônes à haute tension, une pub pour cigarettes. Un énorme Félix the Cat attend les visiteurs au tournant.

Cette démarche est bien illustrée par l’œuvre qui occupe presque tout un étage. Mark Leckey avait été invité à être le commissaire d’une exposition à Londres et il avait pour cela sélectionné des dizaines d’objets et œuvres les plus diverses choisies sur Internet, depuis son appartement. Que ce soit une sculpture de Louise Bourgeois, une racine de mandragore ou un reliquaire du Moyen Age abritant une main. Un vrai "cabinet de curiosités" des plus fous qu’il divisait en trois sections : les hommes, les animaux et les machines, avec, au centre, les monstres.

Pour le Wiels, il a repris cette exposition, mais comme ces objets avaient été rendus à leurs propriétaires, il les a tous reconstitués à l’imprimante 3D, au scan, sur base des objets réels choisis sur Internet. Partis d’Internet, devenus réels, les objets retrouvent le virtuel ! Ces mélanges de réalité et d’illusions, de haute culture (il a gardé un objet réel, de grande valeur : le reliquaire) et de basse culture font de son travail le miroir étrange de notre monde envahi d’objets aux statuts mutants.

Mark Leckey, "Lending Enchantment to Vulgar Materials", au Wiels, jusqu’au 11 janvier.

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