Sésostris III, grand Pharaon méconnu
Le Palais des Beaux-Arts de Lille, avec le Louvre et de multiples prêts prestigieux américains (et belges) entend redonner toute sa place à Sésostris III, un Pharaon d’une importance capitale.
Publié le 09-10-2014 à 18h25 - Mis à jour le 10-10-2014 à 07h26
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On a souvent et abondamment parlé de grands Pharaons comme Ramsès II et Akhénaton, mais curieusement, on connaissait très peu un des plus grands Pharaons de l’histoire égyptienne, Sésostris III. Le Palais des Beaux-Arts de Lille, avec le Louvre et de multiples prêts prestigieux américains (et belges) entend redonner toute sa place à ce Pharaon d’une importance capitale.
Une exposition qui s’imposait à Lille car l’université de la ville a mené de longues et riches fouilles dans l’ancienne forteresse de Mirgissa dans l’actuel Soudan, et a reçu en échange plus de 3000 objets datant de l’époque de Sésostris III et retrouvés là.
Sésostris III régna au Moyen Empire, de 1872 à 1854 avant J.C. Alors par exemple que Touthankamon est bien plus tardif et régna au Nouvel Empire (1345 à 1327 avant J.C.).
Sous Sésostris III, l’Égypte connut un âge d’or. Dès l’entrée de l’expo, une statue monumentale du Pharaon accueille les visiteurs. Il est directement reconnaissable à son visage étrange (le plus "étrange" des Pharaons avec Akhénaton). Il a souvent un air sévère, implacable, comme il convient à un souverain qui mena des guerres nombreuses pour étendre l’État égyptien. Il a les yeux globuleux, des cernes forts, On voit ses joues tombantes et ses rides marquées. Et on est surpris de ses grandes oreilles. Ce type de portrait de lui fut multiplié, sous toutes les tailles, et porté partout dans le Royaume et les temples, jusqu’aux sommets reculés du Sinaï.
Propagande
Sésostris III avait compris l’effet de la propagande. Il voulait montrer qu’il était à l’écoute de son peuple (les grandes oreilles), attentif, soucieux, mais sévère. L’élite égyptienne, de manière étonnante adopta les mêmes traits physiques dans ses représentations.
À cette époque, se développe une nouvelle iconographie comme cette magnifique "Statue-cube", aux formes douces où le noble ou le scribe est sculpté dans un cube, accroupi, permettant d’inscrire des hiéroglyphes sur le devant. On "invente" aussi la position des mains posées à plat sur le devant du pagne.
Avec le Nouvel Empire, les règles esthétiques changeront : les pagnes se feront plus courts et plus horizontaux, les personnages seront fardés et les vêtements plus transparents.
Sésostris III fut un grand réformateur. Il étendit l’empire égyptien vers le sud, au-delà d’Assouan, en Nubie soudanaise. On montre à l’exposition des pièces venues de ces pays déjà en pleine Afrique noire.
Il s’étendit aussi vers le nord, jusqu’au Liban. On a retrouvé à Byblos (le Liban était alors appelé "Retenou"), des magnifiques bijoux en or, datant de Sésostris III.
Conte de Sinouhé
Son règne fut aussi celui de l’émergence de la littérature et des contes. Le conte de Sinouhé date de cette époque, considéré comme une des plus anciennes œuvres littéraires de l’Égypte d’un Shakespeare d’alors. Ce texte, un grand récit de voyage, fut dit-on, à l’origine plus tard, des Contes de mille et une nuits. On fixa aussi, sous Sésostris III, la grammaire classique. L’exposition montre des papyrus de cette époque.
On a reconstitué l’intérieur d’une tombe (une bonne idée au moment où les voyages en Égypte deviennent difficiles). On y évoque le culte d’alors à Osiris. Il est formidable de retrouver côte à côte des plaques votives finement ciselées, merveilleuses, et d’autres toutes petites, plus grossières, faites en "pâte molle" chauffée. Ces dernières étaient achetées sur les parvis des temples et on y gravait les noms de ses morts. On avait donc déjà inventé les "multiples" et le merchandising pour satisfaire la foule.
Cette expo avec des pièces admirables, des bijoux d’une finesse extrême, rend un bel hommage à ce Pharaon.
Gormley et Laib, dans la foulée du passé
Continuant sa bonne habitude de mêler à ses grandes expositions, l’intervention d’artistes d’aujourd’hui (on se souvient de celle récemment, magnifique, de Jan Fabre), le palais des Beaux-Arts de Lille a invité Anthony Gormley et Wolfgang Laib à intervenir dans le grand hall du musée en lien direct avec l’exposition sur l’Egypte sous Sésostris III.
Antony Gormley (né en 1950), l’artiste britannique est bien connu chez nous, exposant régulièrement à la galerie Xavier Hufkens à Bruxelles, et ayant exposé récemment au Middelheim d’Anvers. Il montre à Lille, trois sculptures qui, comme toujours chez le sculpteur, représentent l’homme en interaction avec l’espace du monde. Ici, un corps debout, marchant, le sien, porte une longue maison en équilibre sur son épaule comme s’il se rendait au tribunal d’Osiris où le Dieu verra de quel côté penchera sa vie accumulée dans la maison. Un autre homme, couché à la tête qui se relève des morts et le troisième, a le cou interminable portant la tête vers l’au-delà.
Pollens et riz
Wolfgang Laib, fait souvent des travaux de Land art, dans son travail on peut voir aussi des influences de l’Art minimal. Le travail avec des matériaux naturels, comme la cire d’abeille, le pollen et le riz, est une caractéristique de Laib. Dans les années 1990, il vivait six mois de l’année dans un village de Forêt-Noire où il ramassait le pollen des pissenlits. Il fut surtout connu grâce à Milchsteine (dites pierres de lait) : grands blocs de marbre creusés profondément et remplis avec du lait. A la Fondation Beyeler, il avait placé un carré jaune sur le sol, un jaune presque incandescent qui était en réalité du pollen de noisetier. La plante, ici, renonçait à son statut de motif pictural pour devenir pure couleur.
A Lille, il a déposé des dizaines de barques, les barques de la mort d’Osiris, se rendant vers une grande ziggourat de cire. Les barques sont toutes disposées sur un sol de riz blanc.
Sésostris III, Pharaon de légende, Palais des Beaux-Arts de Lille, jusqu’au 25 janvier