La Sixtine de la Préhistoire
La Grotte de Lascaux, chef d'oeuvre universel, est fermée depuis 1963. Un fac-similé partiel, exact au millimètre près, est au Cinquantenaire à Bruxelles. Une exposition qui donne vie aux artistes exceptionnels de l’époque Cro-Magnon. Présentation en images!
Publié le 13-11-2014 à 16h13 - Mis à jour le 14-11-2014 à 14h33
La Grotte de Lascaux, chef d'oeuvre universel, est fermée depuis 1963. Un fac-similé partiel, exact au millimètre près, est au Cinquantenaire à Bruxelles. Une exposition qui donne vie aux artistes exceptionnels de l’époque Cro-Magnon.
Ils jouaient génialement du relief de la grotte
Depuis sa découverte fortuite le 8 septembre 1940 (lire ci-contre), la grotte de Lascaux multiplie les qualificatifs louangeurs. Le grand préhistorien Henri Breuil l’appelait "la Versailles de la Préhistoire" . Le succès public fut tel (jusqu’à mille personnes par jour) qu’André Malraux dut la fermer précipitamment en 1963 pour la sauver des nuisances apportées par la respiration des visiteurs. Même le Lascaux II, construit à côté de la grotte et qui reproduit la Salle des Taureaux et le "diverticule axial", a connu un énorme succès depuis son ouverture en 1983, Il a déjà accueilli dix millions de visiteurs à Montignac, en Dordogne.
Lascaux III, le nouveau et transportable fac-similé de la grotte, qui est pour quatre mois au musée du Cinquantenaire, jouit d’un même engouement. En quatre expos à Bordeaux, Houston, Chicago et Montréal, Lascaux III a accueilli plus de 700 000 visiteurs.
A parcourir l’exposition, on comprend aisément ce succès. On est ébloui par le talent fou de ces artistes d’il y a près de 20 000 ans. Au fond de la grotte, ils ont peint avec des pigments naturels trouvés dans la terre (oxyde de manganèse et de fer) des animaux magnifiques : aurochs, cerfs en meute, bisons, Vache noire. Le "puits" de la grotte, rarement vu, est aussi reproduit au millimètre près par des techniques très contemporaines et peint à nouveau, à l’identique par des artistes d’aujourd’hui. On y voit la seule représentation humaine de la grotte (un énigmatique homme tombant) à côté d’un gros bison qui semble le regarder. Il faut voir comment la fourrure du bison semble prise par le vent.
Le temps distendu
Ces artistes ont joué du relief compliqué de la grotte. C’est pourquoi la visite du fac-similé, si elle ne remplace pas celle devenue impossible de la grotte, apparaît néanmoins un "plus" formidable par rapport aux films et photos à deux dimensions. Quand on marche, on voit littéralement les animaux bouger, surtout si la lumière clignote un peu comme devaient le faire les lampes d’époque.
L’illusion du mouvement, la perspective, le réalisme des animaux prouvent à foison que ces hommes de Cro-Magnon n’étaient pas "les primitifs" qu’on imagine. L’exposition montre quatre hommes de Cro-Magnon reconstitués. S’ils étaient habillés et coiffés comme nous, rien ne les distinguerait des hommes actuels.
Si on reste un peu dans ce Lascaux reconstitué, un jeu de lumières montre les dessins et animaux gravés "sous-jacents". Et on se prend à rêver à cette époque; cet art monumental témoigne que les artistes étaient déjà nombreux et doués. On a trouvé des milliers de grottes peintes dans le monde. L’art pariétal est partout, mais rarement aussi beau qu’à Lascaux. Tout l’art réalisé en surface, a disparu.
Il faut penser aussi à la grotte Chaumet découverte après Lascaux et qui, elle, date d’il y a 33 000 ans. Et déjà là, les artistes étaient très doués. Ces dates donnent le vertige, et expriment la vraie dilatation du temps. Entre Chaumet et Lascaux, il y a presque autant de temps qu’entre Lascaux et aujourd’hui ! Pourtant, entre Chaumet et Lascaux, les choses semblent avoir été quasi immuables ou n’évoluaient que très lentement.
On a beaucoup écrit sur l’utilisation de ces grottes, comme Lascaux. Elles ne servaient évidemment pas à y vivre : il y fait sombre, humide et les fumées les rendraient inhabitables. La piste de l’Art pour l’art, fut vite abandonnée. On pense donc plutôt à ces grottes comme des lieux sacrés, de cérémonies. On a parlé de cérémonies propitiatoires pour la chasse. On pense aussi à des lieux d’initiation comme par exemple, le culte Vaudou en garde. Les initiés devaient s’y retrancher et éprouvaient des sensations particulières en sortant de la grotte.
Un chien providentiel…
La grotte de Lascaux est une des plus belles grottes peintes au monde. Elle est située à Montignac sur la vallée de la Vézère, en Dordogne. On pense que les peintures qui s’étendent sur 250 m, furent réalisées il y a environ 18 000 ans.
Les peintures résistèrent au temps grâce au fait que la grotte était sèche (sans stalactite ou stalagmite). Elle fut découverte par hasard le 8 septembre 1940 par Marcel Ravidat, un jeune garçon qui promenait son chien Robot. Celui-ci découvrit un trou d’une vingtaine de centimètres de diamètres. Il revint avec des amis, dégagea l’entrée et découvrit la grotte.
Heureusement, rapidement fut appelé à la rescousse le préhistorien Henri Breuil qui se trouvait dans la région, fuyant l’occupant allemand. Il fut le premier à étudier scientifiquement la grotte, à tenter de la dater, à cartographier et reproduire les dessins. Mais, hélas, il y eut aussi au début des visites multiples, des gens qui y gravèrent leurs noms, ou grattèrent les parois. On tenta d’y mettre de l’ordre, en aménageant l’entrée et une porte d’accès.
Mais l’afflux des visiteurs émerveillés fut tel (mille visiteurs par jour), que, dès 1955, les premières attaques des peintures furent constatées dues au dioxyde de carbone de la respiration et la transpiration des visiteurs. On a vu apparaître des "maladies" de la pierre, une dissémination de microalgues, la dépose d’un voile de calcite. Bref, il était urgent d’intervenir, ce que fit le ministre de la Culture de de Gaulle, André Malraux en 1963, décidant de fermer la grotte au public, ne la laissant ouverte que pour quelques scientifiques par semaine.
Un Lascaux IV
Mais ça ne suffit pas. D’autres phénomènes d’altération n’ont cessé de se produire avec l’apparition de champignons de plus en plus résistants. Aujourd’hui, la grotte est aux soins intensifs d’un groupe de spécialistes mondiaux et seuls deux spécialistes ont encore le droit encore d’y entrer.
La grotte se compose d’abord de la célèbre "Salle des taureaux". A sa gauche, part le diverticule axial, à sa droite, on arrive au Passage, à l’Abside puis à la Nef (fac-similé du Cinquantenaire) pour se terminer au diverticule des félins. A droite de l’Abside (on a donné des noms de cathédrale à Lascaux), on peut rejoindre le puits, sept mètres plus bas, dangereux par son accumulation de dioxyde de carbone.
Sur les murs, il y a en plus des animaux (cheval, aurochs, rhinocéros laineux, etc.) des signes restés mystérieux comme les six points qu’on voit sous la queue du rhinocéros dans le "Puits".
Après Lascaux II ouvert en 1983 mais arrivé "au bout de sa vie", après Lascaux III, transportable (celui du Cinquantenaire), on prépare avec l’architecte norvégien Snohetta, le Lascaux IV qui devrait ouvrir pour l’été 2016 avec le fac-similé, cette fois complet, de la grotte et la création d’un grand centre d’interprétation de l’art pariétal.
L’exposition
Nef. L’exposition Lascaux présente le fac-similé d’une partie de la grotte de Lascaux (la Nef et le puits), différente de ce que montre Lascaux II à Montignac.
Autour. Elle présente aussi de multiples éléments de contexte : film 3D, reconstitution à l’échelle 1/10, panneaux didactiques, histoire du site, multiples objets usuels et d’art de l’époque.
Volet belge. On y a ajouté un important volet belge avec l’art paléolithique retrouvé chez nous (il n’y a pas de grotte peinte en Belgique), la reconstitution spectaculaire des animaux qu’on voyait alors (lion des grottes, cerf géant) et l’expertise du musée du Cinquantenaire en matière d’art pariétal prouvée par exemple, par les fouilles en Egypte d’un art contemporain de Lascaux.
----> Lascaux au Cinquantenaire, jusqu’au 15 mars, de 10 à 17h, fermé le lundi.