L’art pas si carré de Peter Beyls
En 1974, Peter Beyls signait sa première œuvre créée à l’aide d’un algorithme aléatoire. L’exposition "Simple Thoughts" résume la carrière de ce pionnier des arts numériques. À (re)découvrir à l’iMAL.
- Publié le 18-11-2014 à 16h48
- Mis à jour le 18-11-2014 à 20h10
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Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?", interroge une nouvelle de Philip K. Dick. Peter Beyls, lui, dessine des "moutons" avec des machines. "Simple Thoughts", l’exposition que consacre l’iMAL (Bruxelles) à ce pionnier des arts électroniques, dément l’idée selon laquelle ces derniers seraient synonymes d’installation high-tech.
La carrière artistique de ce Courtraisien né en 1950 a débuté il y a tout juste quarante ans, en novembre 1974. La sélection de ses œuvres que présente l’iMAL opère, tel un des algorithmes aléatoires qu’il conçoit : elle fluctue de 1974 à 2014, au gré de répétitions, de variations et de bifurcations ou d’heureux incidents de parcours.
Les dessins et peintures élaborées à l’aide de programmes et de tables traçantes (ancêtre de l’imprimante laser) sont nombreux. Leur canevas quasi-carré récurrent et leur subdivision en quadrilatères rappellent les pixels, unités de base de l’image numérique. Ces œuvres prolongent le courant du "Colorfield Painting" cher à Mark Rothko et Barnett Newman.
Les créations de Peter Beyls appartiennent aussi à la geste ininterrompue de la création de signes par l’être humain : l’ordinateur n’est que l’ultime (et provisoire ?) appendice depuis les premiers tracés plus ou moins figuratifs à mains nues sur les parois des cavernes - comme le rappelle l’expo Lascaux au Cinquantenaire.
Tout l’art, au propre et au figuré, de Peter Beyls consistant à réintroduire l’aléatoire - incertitude propre à l’existentialisme humain - dans l’apparente rigidité de la programmation électronique : intuition sémiologique remarquable alors que l’informatique domestique n’en était qu’à ses balbutiements.
Sa "pensée élémentaire" ("simple thought") consiste à préprogrammer ses machines avec des variables modifiant progressivement leur action mécanique. En liant les ordinateurs avec des tables traçantes (hier), des bras mécaniques (aujourd’hui), Peter Beyls produit des compositions tantôt gracieuses, tantôt envoûtantes, tantôt intrigantes.
Quatre réseaux à l’encre bleue de sa série inaugurale RPX (1974-1975), résument ce principe de l’incidence, d’où émergent le rythme et la composition. Certaines de ses œuvres pourraient se rattacher à la Figuration libre et ses créations éphémères. Les séries Ewa, des années 1980, évoquent même, les graffitis de Keith Haring.
La vibrance élégante du signe évoque dans les dernières créations en date de Peter Beyls le bouillonnement du liquide séminal. Joli rêve, pour une machine…
Aux sources de l’art électronique, la vidéo
Il y a quarante ans, le 29 novembre 1974, Peter Beyls présentait au studio Scoop, à Gand, sa première œuvre, On the Origin, qui mêlait sons électroniques, vidéo et film. Deux ans plus tard, le jeune Belge concevait au musée d’Art moderne de la Ville de Paris Sea/Air, performance multimédia où la voix d’une soprano était altérée en direct par un processeur audio, accompagnée d’une partition électronique synchronisée avec deux séquences de 56 diapositives. A cette époque, les ordinateurs domestiques ne sont qu’un rêve, que cherchent à réaliser quelques visionnaires dans leur garage. L’avant-garde esthétique est incarnée par les artistes vidéos comme Nam June Paik ou Dan Graham. Ce n’est que deux ans plus tôt, en 1972, que le palais des Beaux-Arts a exposé sa première installation vidéo, signée William Wegman. La même année, la RTBF-Liège présente l’installation Land Art et Identification de Gerry Schum.
En 1975, la RTBF produit sous l’égide de Jean-Paul Tréfois la première émission de télévision européenne dévolue à la création vidéo, "Vidéographie". Les Beaux-Arts présentent le travail de Dan Graham. Le récent Internationaal Cultureel Centrum de Gand de Flor Bex héberge de nombreux artistes vidéaste belges, dont Frank Van Herk tandis que s’ouvrent à Bruxelles les galeries Oppenheim et Guy De Bruyn, dévolues à l’art vidéo.
Peter Beyls donnera une conférence à l’iMAL, le 26/11 à 20 heures. 30, quai des Charbonnages, 1080 Bruxelles. www.imal.org