Mons 2000 Quinze, soufflant
Parmi les dizaines de grandes constructions en bois, des mikados géants qu’Arne Quinze a fait dans le monde, de Saõ Paulo à Beyrouth, de Shanghai à New York, celle qu’il vient d’achever à Mons est parmi les plus fortes.
- Publié le 18-11-2014 à 15h54
- Mis à jour le 18-11-2014 à 16h34
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Arne Quinze couvre pour 5 ans la rue de Nimy avec 70 km de planches. Très impressionnant. Parmi les dizaines de grandes constructions en bois, des mikados géants qu’Arne Quinze a fait dans le monde, de Saõ Paulo à Beyrouth, de Shanghai à New York, celle qu’il vient d’achever à Mons est parmi les plus fortes. Il a recouvert pour "Mons 2015, capitale européenne de la culture", tout le haut de la rue de Nimy, à l’entrée de la Grand-Place. Un puzzle gigantesque de bois, qui surplombe la rue (on pourra y circuler en dessous, à pied comme en voiture), fait de 70 kilomètres de planches, assemblées par plus de 80 000 vis. Du pin venu de Suède (de forêts qu’on replante immédiatement). Des planches peintes en rouge fluo ou laissées au naturel ou encore grises ou noires. La structure fait des vagues, monte et descend, emporte parfois une poutre plus ancienne, pour relier le palais de justice, le parquet, l’Eglise Sainte Elisabeth et la maison Losseau qui deviendra l’an prochain la "Maison des littératures européennes". Un point de contemporain dans la ville historique.
Elle est plus spectaculaire que l’installation de bois rouge qu’il avait installée en 2008 devant le parlement flamand. À Mons, elle comporte des porte-à-faux importants, du mouvement audacieux ("Je me suis inspiré de Turner", nous dit-il).
Cet investissement au coût secret (moins de 400 000 euros) restera en place jusqu’en décembre 2020, précise le bourgmestre Elio Di Rupo qui présentait hier l’œuvre en compagnie de l’artiste "afin de bien montrer que Mons 2015 continuera ensuite et ne sera que le début d’une longue histoire", dit-il.
(De gauche à droite: Guy Duplat, Arne Quinze, Elio Di Rupo et Yves Vasseur)
De Mons à la Chine
Arne Quinze est là, au milieu de son équipe, avec son physique d’artiste du street art : cheveux longs, favoris, tatouages sur les bras et tout le corps avec un paysage de fleurs et d’oiseaux. Ce Flamand vivant à Laethem-Saint-Martin est devenu une star mondiale partageant son temps entre la Chine, à Shanghai où il passe 40 % de son temps ("La Chine parce que c’est maintenant le centre du monde", nous dit-il) et son atelier près de Gand. C’est là qu’Yves Vasseur, l’intendant de Mons 2015, l’a rencontré au départ, guidé par le bourgmestre à l’époque de Courtrai, Stefaan De Clerck.
Arne Quinze se fait rassurant pour ceux qui craindraient un accident : "Certes, la structure va se modifier un peu avec le temps, mais on pourrait même poser dessus un camion qu’elle résisterait. Au Nevada, j’en ai construit une, il y eut un ouragan qui a tout détruit autour, sauf ma sculpture. La neige non plus ne sera pas un problème. En Chine, où j’en ai fait plusieurs, il tombe parfois deux mètres de neige et cela tient."
Durant trois semaines, une vingtaine d’étudiants de l’Ecole d’arts au carré ont aidé l’équipe d’Arne Quinze (composée de ses techniciens, un architecte, un ingénieur,..) à construire la sculpture géante. D’abord un "squelette" et puis l’assemblage de milliers de planches, perchés à dix mètres au-dessus du sol. Ermeline, une de ces étudiantes, a raffolé de cette expérience qui lui a permis de voir comment on mène un grand projet artistique jusqu’au bout. Mais elle raconte aussi comment les passants de la rue de Nimy furent nombreux à critiquer l’audace de l’œuvre. "C’était parfois éprouvant."
Arne Quinze, Yves Vasseur et Elio Di Rupo se réjouissent justement qu’il y ait débat.
Musée en plein air
Arne Quinze, né en Belgique en 1971, a commencé dans les années 80 par le graffiti dans les rues. "Quand j’étais enfant, raconte-t-il, je rêvais de voir toutes les villes du monde, mais je les ai trouvées étrangement semblables. Avec le graffiti, cela pouvait changer. Et un jour, en ayant tagué une rame de métro, je voyais que cela suscitait un dialogue entre des passants qui sinon ne se disent rien. Il y avait les opposants et les partisans. J’ai voulu continuer avec l’idée de faire un musée en plein air, dans les villes, ouvert à tous, gratuit. Je veux créer des lieux de rencontres, de contacts entre des gens, des voisins qui, en général, ne se parlent pas. À Rouen, en 2010, j’ai placé une sculpture de bois comme ça sur le pont Boieldieu, sur le fleuve. On a manifesté dans les rues contre cette œuvre qui fermait le pont. Mais quelques mois plus tard, quand la manifestation était finie et que le pont devait être démonté, on a manifesté contre le démantèlement de la sculpture !"
"L’art, poursuit-il, ne peut pas rester uniquement derrière les murs. Il n’y a que 1 % des gens qui vont dans les musées. Je cherche alors la confrontation immédiate avec les gens et, qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas ce que je fais, mon espoir est de les toucher et de les amener ensuite à entrer dans les musées."
Il a choisi le rouge fluo car, dit-il, "c’est la couleur la plus humaine, celle qui porte les contradictions de l’homme : le feu, le sang, l’amour. Et toutes ces planches de bois qui se croisent sont une métaphore des gens qui devraient davantage se croiser".
La sculpture s’appelle "The Passenger". Elle sera officiellement inaugurée le 6 décembre et fera partie des œuvres à découvrir à la grande fête d’ouverture de Mons 2015, le 24 janvier.
"J’aime utiliser le bois, dit encore Arne Quinze, qui s’oppose si bien au béton des villes. Mais vous verrez en 2020 quand on l'enlèvera, ça créera un vide."