Un nouvel espace pour Contretype

Photo créative

Au départ, pendant une dizaine d’années, Contretype a occupé une maison de rang à la rue d’Espagne. Espace modeste, mais il faut rappeler que l’initiative d’ouvrir un lieu consacré à la photo créative était alors un fameux défi. D’abord parce que la reconnaissance institutionnelle de la photographie en Belgique était à peine amorcée. Le FoMu et le Musée de Charleroi n’existaient pas encore. Sans parler de l’inexistence d’un marché et donc de galeries consacrés au médium. Ensuite, parce que c’était la photographie documentaire - par exemple "l’instant décisif" à la Cartier-Bresson ou la "street photography" des Lee Friedlander et Diane Arbus - qui se taillait la part du lion dans les magazines ou les expositions en vue.

La volonté de Jean-Louis Godefroid était de donner une visibilité à toutes les pratiques et à tous les genres. Quitte parfois à susciter des polémiques, à bousculer des chapelles. Comme lorsqu’il exposa, en 1980, le travail sulfureux de Robert Mapplethorpe. Il est vrai que cette fois-là, la présence d’Andy Warhol au vernissage avait mis tout le monde d’accord. Bel encouragement de la part de l’artiste du pop art pour ce qui allait devenir un lieu de référence en Belgique, mais aussi à l’étranger.

Plusieurs générations de photographes ont pu bénéficier du tremplin d’une exposition dans un lieu qui accueillait en même temps des artistes déjà bien connus. On se souvient par exemple d’une exposition du jeune Dirk Braeckman lors de la première année à l’hôtel Hannon. Un Dirk Braecman aujourd’hui renommé, qui a en ce moment les honneurs des cimaises du Bal à Paris. On se souvient des jeunes Carl de Keyser, Gilbert Fastenaekens, Marc Trivier. On se souvient aussi de la découverte par le public d’auteurs peu connus alors, mais d’envergure comme Ralph Eugene Meatyard ou Bernard Plossu.

Au-delà des expositions, dès 1997, Contretype a organisé des résidences d’artistes centrées sur Bruxelles. Une vingtaine à ce jour, d’où des archives visuelles importantes - mais aussi originales - sur la capitale. Là encore, le maître mot est ouverture. Ouverture à des conceptions et à des regards divers. En témoignent les magnifiques travaux de photographes comme J.H. Engström, Philippe Herbet ou Elina Brotherus.

Déménagement inévitable

On le voit, Contretype a pris de l’ampleur au fil du temps. Ceci au point de se sentir à l’étroit à l’avenue de la Jonction. Peu avant son décès, en 2013, Jean-Louis Godefroid se posait d’ailleurs des questions quant à un déménagement devenu incontournable. En effet, entièrement restauré dans les années 80, l’hôtel Hannon nécessitait à nouveau des travaux. C’est avec soulagement que l’équipe qui a repris les rênes de l’association a accueilli la proposition faite l’an passé par la commune de Saint-Gilles de reprendre l’espace galerie du bâtiment central de la cité Fontainas. Une cité construite au XIXe siècle qui, pour la petite histoire, avait été conçue comme résidence pour des instituteurs en retraite.

Les transformations ont été menées bon train et le déménagement a pu se faire dans les délais prévus à la fin de l’été. Et voilà comment ce 18 novembre, la foule se pressait au premier vernissage du nouvel Espace Contretype.

Expositions inaugurales

L’espace est neuf, mais le dispositif Contretype est toujours là. A savoir, deux expositions en même temps dont l’une, plus vaste, confirme un auteur et l’autre, plus restreinte, révèle un jeune photographe.

Le temps était venu en effet de mettre en avant par une exposition d’ampleur tout le talent dont fait preuve depuis plusieurs années déjà le liégeois Marc Wendelski. Plutôt qu’une rétrospective, le choix s’est porté sur "Beyond the Forest", son récent travail sur le combat d’activistes écologiques dans la forêt millénaire d’Hambach en Allemagne. Une forêt ravagée par une exploitation minière qui a repris de plus belle depuis la décision du pays de sortir du nucléaire à l’horizon 2022. Le photographe en rend compte en confrontant portraits et paysages avec une retenue stylistique qui leur confère une force toute particulière.

D’une part, donc, des militants dont on voit le visage et, d’autre part, une puissance industrielle anonyme dont on ne voit que l’avancée désastreuse. La démonstration est imparable et ce, il faut le noter, dans de splendides tirages.

Mémoire et racines

La seconde exposition est celle de Massao Mascaro - membre du collectif La Grotte - remarqué par le jury de "Propositions d’artistes 2013" qu’organise chaque année Contretype. Issu d’une famille d’immigrés calabrais, celui-ci aborde la question de la mémoire et des racines. En peu d’images bien choisies et judicieusement disposées, il rend compte tout à la fois des paysages du sud de l’Italie et de cette "terre d’accueil et de travail" qu’est devenu le Nord-Pas-de-Calais pour sa famille depuis 1956. C’est une belle surprise de voir combien l’ alternance de plans larges et courts, de grands et de petits formats dynamise incroyablement la petite salle qui lui a été confiée. De la belle ouvrage.

"Beyond the Forest" de Marc Wendelski et "Ramo" de Massao Mascaro. Bruxelles, Contretype, cité Fontainas, 4A. Jusqu’au 18 janvier 2015, du mercredi au vendredi de 12 à 18h. Samedi et dimanche de 13 à 18h, sauf jours fériés. Entrée libre. Fermé du 24/12/14 au 6/01/15 inclus. Info : http://www.contretype.org. A noter : "Beyond the Forest" c’est aussi un livre publié aux éditions Yellow Now. Présentation chez Contretype par Emmanuel d’Autreppe, le 9 décembre à 19h.