Affaire Tuymans : Busine stupéfait
Le directeur du Mac’s réagit vivement à la condamnation pour plagiat de Luc Tuymans. Entretien.
Publié le 22-01-2015 à 10h46
« C’est méconnaître totalement l’histoire de l’art de condamner Luc Tuymans pour plagiat », nous dit Laurent Busine. « Donatello à la Renaissance reprenait telles quelles de grandes sculptures de l’art grec. C’était apparemment la même chose, comme dans le cas Tuymans, mais en fait, c’était tout différent, si on place les deux œuvres côte à cote, c’était clairement du Donatello. Picasso a repris les Ménines de Velasquez et le Déjeuner sur l’herbe de Manet, De Chirico à la fin de sa vie, a aussi repris tel quel, un travail de Michel Ange ».
On peut rappeler aussi, au XXe siècle, Richter, Marlène Dumas ou le cas exemplaire d’Elaine Sturtevant, fêtée au MoMA, Lion d’or à Venise, qui reproduisait à l’identique des oeuvres de Duchamp ou Warhol. Montrant qu’identique n’était pas la même, tout au contraire.
Laurent Busine se pose une seconde question. « Le travail de Luc Tuymans parle de notre rapport à l’image, à celle qui circule mondialement et est disponible dans les médias comme cette photo de Jean-Marie Dedecker. II en fait une peinture unique, accentuant le côté moribond de Dedecker. S’il était un plagiaire, il aurait pris soin de changer des choses. Mais non, l’objectif de l’emprunt aux images qui circulent est manifeste et il ne s’en cache pas. Il en fait d’autres gestes forts, de Luc Tuymans. Luc Tuymans nous rend ce que tout le monde a vu mais avec une force neuve, unique, frappante. C’est l’objectif et cela n’a rien à voir avec le plagiat. »
Ce jugement en tout cas, a déjà fait le tour du monde de l’art et a suscité partout des craintes sur la liberté d’expression des artistes.
Laurent Busine craint aussi l’irruption des juges dans le domaine de l’art (comme dans l’irruption des juges dans le choix de notre artiste pour Venise) sans que les juges ne connaissent la philosophie de l’art contemporain.