Acrobaties, à la vie, à la mort
Une ode à la vie bourrée de tendresse et virevoltante. Autour de Fabrice Champion. Critique.
Publié le 06-02-2015 à 19h13 - Mis à jour le 07-02-2015 à 08h10
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S’il est des circassiens à découvrir aujourd’hui, ce sont Matias Pilet et Alexandre Fournier qui seront présents aux Halles en ces mois de février et mars avec deux spectacles "Nos Limites" et "Acrobates", ode à la vie puissante et bourrée de tendresse, virevoltante et rigoureusement précise. Une histoire d’hommes comme on aime les voir, les entendre, les vivre.
Par ailleurs, le film "Parade" d’Olivier Meyrou, rencontre surtout l’intimité du troisième homme, Fabrice Champion, trapéziste tétraplégique (voir ci-contre). Ceux qui suivent l’actualité du cirque contemporain depuis quelques années se souviennent du tragique accident dont a été victime Fabrice Champion, trapéziste des Arts Sauts, magnifique compagnie de cirque contemporain qui ne proposait que des spectacles aériens auxquels on assistait couchés dans un transat. Mais voilà, par un de ces jours noirs qui assombrissent les destins, Fabrice a percuté son partenaire en plein vol.
Tragique voyage chamanique
Deux anciens de la compagnie, Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes ont ensuite obtenu la direction du Théâtre Montfort dans XVIe, à Paris. C’est là qu’a germé, avec le dramaturge Olivier Meyrou, l’idée de monter un spectacle avec Fabrice parce qu’au cirque, paradoxalement, le handicap se met aussi en scène et interpelle, en ce rapport au corps si différent, en ces mano a mano presque amoureux, édifiants et enveloppants. Des histoires d’hommes, donc, qui se racontent à coups d’acroportés et de complicités.
Fabrice Champion, pourtant, ne montera pas sur scène. Parti au Pérou pour un voyage chamanique, il est mort dans des circonstances obscures… Mais la roue et le spectacle continuent à tourner. Alexandre Fournier et Mathias Pilet ont relevé le défi. L’un est petit, noiraud et bouclé. Sa morphologie se rapproche de celle de Fabrice Champion. L’autre est blond et plus longiligne. Tous deux forment un couple improbable et pourtant inséparable. Une première vidéo grisante dévoile les acrobates volant de l’un à l’autre. Deux, trois, quatre passes puis soudain le silence, des battements de cœur, une blouse blanche et un gros plan sur des radios qui traduisent sans doute une paralysie.
Bruits de goutte, d’eau, de rivière, de torrent de plus en plus puissant pour ces deux acrobates qui commencent à évoluer dans un décor amovible et ingénieux, panneaux mobiles et plans inclinés pour suite d’acrobaties en douceur, en extrême souplesse et tout en solidarité. Physiquement absent de la scène, Fabrice Champion l’occupe tout entière, au cœur de deux hommes qui ne cessent de tendre la main l’un vers l’autre. Un bel exemple de coopération, très symbolique au cirque où tout repose parfois sur l’abandon à l’autre, où la tendresse dévoile sa force réelle.
A l’aube de leur parcours, Alexandre Fournier et Matias Pilet se demandent aussi quels hommes ils vont devenir, questions identitaires à l’âge de tous les possibles. Un flou introspectif traduit avec rigueur et précision pour finir en épure et éloge du temps.
Partis d’une vidéo, du son, d’une voix off, de l’image, de la technologie, les deux artistes terminent en silence, à pas lents et passionnants pour un ensemble de figures impressionnantes et soufflantes. Ne les ratez pas !
Aux Halles, le 9 février, "Parade" à 19h00 et "Nos limites", le 9 février à 20h30. "Acrobates", les 19 et 20 mars à 20h30. Infos.www.halles.be