Luc Tuymans, graphique et magnifique
C’est un pan méconnu du grand artiste belge qui est exposé au Centre de la gravure et de l’image imprimée de La Louvière. Depuis vingt-cinq ans, le peintre travaille aussi la lithographie, la gravure, la sérigraphie, l’aquatinte, le monotype.
Publié le 06-02-2015 à 19h14 - Mis à jour le 08-02-2015 à 08h55
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C’est un pan méconnu du grand artiste belge qui est exposé au Centre de la gravure et de l’image imprimée de La Louvière. Depuis vingt-cinq ans, le peintre travaille aussi la lithographie, la gravure, la sérigraphie, l’aquatinte, le monotype. Jamais encore, sauf une fois à La Haye, il n’y eut une expo uniquement consacrée à ce type de travail. Pas de peinture, rien que le travail sur papier et c’est magnifique.
On reconnaît d’emblée Tuymans dans cette rétrospective, les étapes de sa peinture, mais réduites encore davantage à l’essentiel fantomatique tout en exprimant souvent davantage. Le moins donnant paradoxalement le plus.
On y retrouve la philosophie de son travail, l’analyse des images de notre monde au départ de photos de presse (on regrette d’autant plus le récent jugement ridicule l’accusant de plagiat dans le mécanisme même de son œuvre), ou de photos prises par lui-même (polaroïds). Il nous en montre l’ambiguïté, la force politique cachée, la poésie, déconstruisant notre monde du "trop d’images" pour mieux les voir.
Simplement beau
On retrouve sur papier, ses grandes séries de peintures comme celles des camps d’extermination, le pouvoir des Jésuites, les Mormons, thèmes précipités à leur trame comme on dirait en chimie.
Le résultat est toujours politique par les questions ambiguës qu’il pose, mais aussi simplement beau, d’un minimalisme poétique.
Le parcours commence par un papier peint pour un musée suisse et par un autoportrait imaginaire. Parfois, il digresse sur simplement la forme et les couleurs comme dans la série d’assiettes à déjeuner qui deviennent des disques colorés comme des astres. On retrouve "la Rumeur" sur les pigeons qui "polluent comme des rats" et dont il peint aussi les yeux démesurés.
Un travail en commun
Ce qui fascine Luc Tuymans dans ce travail graphique est sa collaboration avec l’imprimeur Roger Vandaele. Si Tuymans fait des multiples, c’est pour démocratiser l’accès à son œuvre mais surtout pour le processus qu’implique l’image imprimée. Alors que pour sa peinture, après de longues réflexions, il peint seul et en une journée, dans l’image imprimée, il y a de longs essais et conciliabules avec l’imprimeur pour trouver d’autres manières de faire ressortir la lumière, les couleurs, les nuances et même "les accidents picturaux".
Il peut imprimer sur tissu pour son ami styliste Van Beirendonck. Dans le très beau "Shore", il part d’un polaroïd de plage la nuit, pour arriver à la sérigraphie, puis à la peinture. Ou il réduit les murs qu’il a peints à Dresde à de lumineuses lithographies de fleurs et de pêches. Parfois, ce sont des détails de la grande mosaïque qu’il crée au Qatar.
Ce travail permet à Tuymans de pousser encore plus loin la réflexion sur la décomposition de l’image. Pour son Giscard (l’affiche) son imprimeur a utilisé 13 pierres, 13 passages successifs.
Une œuvre graphique qui volontairement amène plus de questions que de réponses, et pousse à la méditation.
Luc Tuymans, "Suspended, l’œuvre graphique 1989-2015", Centre de la gravure et de l’image imprimée à La Louvière, jusqu’au 10 mai.