L’aventure de l’architecture
Riche et éclairant, "Les trésors de notre architecture, de l’Art nouveau à l’Expo 58."
Publié le 09-02-2015 à 17h16 - Mis à jour le 10-02-2015 à 18h55
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C’est un parcours passionnant, riche et grand public que nous offrent les Archives de l’architecture moderne (AAM) au Civa, à Bruxelles. Elles ont puisé dans leurs fonds gigantesques (plus d’un million de documents et objets venus des archives d’architectes belges) pour en sélectionner 300 : dessins, plans, maquettes, objets. Et même, montrées à l’expo, deux cuisines entières et mythiques : celle de Le Corbusier et de Charlotte Perriand à la Cité radieuse de Marseille et celle de Louis Herman De Koninck (la "cubex" qu’on refait aujourd’hui).
Un parcours avec des découvertes comme celles issues du Fonds Blaton qui vient d’être offert aux AAM (trois gros camions avec 90 m3 de documents sur 150 ans de construction !).
Cette expo est aussi une sorte de bilan de l’action des AAM et de l’énorme patrimoine qu’elles ont pu rassembler. Une manière enfin de souligner l’importance qu’elles ont eue dans la sauvegarde du patrimoine architectural.
L’expo démarre d’ailleurs avec l’histoire hautement symbolique d’Antoine Pompe, l’aventure qui fut à la base des AAM fondées en 1968 par Maurice Culot, et qui suscita dans la foulée la création de l’Arau, groupe de pression pour la défense du patrimoine bruxellois.
Antoine Pompe
En 1967, quelques jeunes architectes de La Cambre découvrent, par hasard, les plans pour une Maison du peuple à Liège d’un certain Antoine Pompe. A l’époque, en 1967, il vivait encore et avait 94 ans (il mourra à 106 ans !) mais il était complètement oublié. Maurice Culot et François Terlinden lui consacrent alors une expo au musée d’Ixelles. Antoine Pompe annonçait déjà le modernisme en opposition avec l’Art nouveau.
Les AAM sont créées pour conserver les plans et objets de ces architectes menacés d’oubli.
L’exposition montre les plans d’Antoine Pompe pour la clinique orthopédique du docteur Van Neck en 1910 et son "scriban". Un film le montre expliquant sa vie, à près de cent ans.
Modernisme
On revient ensuite à l’Art nouveau avec des objets évocateurs : des ferronneries de la Maison du peuple d’Horta, un draperie de Louis Hamesse, des plans. Un style dit "Nouilles" qui fleurit spécialement à Bruxelles avec Horta, Hankar, Van de Velde, qui furent à la fois des progressistes et les architectes des grands bourgeois éclairés.
Un chapitre original du parcours montre la transformation de la maison bourgeoise typique de Bruxelles (trois pièces en enfilade, les domestiques à la cave), en de grands immeubles à appartements de luxe, avec chambres de bonnes au grenier, appelés "palais" (comme le palais de la Folle Chanson) ou "résidences" (comme le Résidence Palace). Et déjà, Lucien François et Louis Herman De Koninck imaginaient des maisons modernistes.
Dans les années 30, on croyait au progrès, à la modernité et Bruxelles se dota d’immeubles l’illustrant : les grands cinémas Eldorado et Métropole avec leurs bas-reliefs sur le Congo, le garage Citroën au Canal (celui qu’on veut transformer aujourd’hui en musée) et le bâtiment paquebot de Flagey. Bruxelles se dote même, à la chaussée de Wavre, d’un jeu de pelote basque, le Jaï-Alaï.
Le Fonds Blaton
Toute une section de l’exposition au Civa est consacrée au Fonds Blaton offert aux AAM il y a un an et demi. On y retrouve les archives d’une société créée en 1865 par Adolphe Blaton et toujours très active. On est encore occupé à étudier ce fonds (des chercheurs s’y emploient) qui concerne aussi les projets au Congo et à l’étranger. Mais déjà l’exposition montre des découvertes étonnantes. Comme les plans d’Horta pour le palais des Beaux-Arts. Et un projet jamais réalisé d’Horta pour la totalité de l’îlot en face de Bozar. Une aubaine car Horta a détruit toutes ses archives. On découvre des projets inconnus comme ce stade de football qui semble si contemporain, dessiné par Henry Van de Velde pour Anvers en 1934.
Vision utopique
La Belgique avait alors de l’ambition et des architectes utopistes. Renaat Braem dessinait sa "ville linéaire". Il y avait l’essor à Bruxelles, des cités-jardins sur le modèle anglais ou le projet d’un quartier Nord "fonctionnaliste mais humain", de Victor Bourgeois. Stanislas Jasinski imagine trois tours administratives immenses au cœur de la ville.
Une vision utopique qui culmine avec l’Expo 58. On construit alors un nouvel aéroport, Jean-Florian Collin, patron d’Etrimo vend des milliers d’appartements bon marché. La Banque Lambert construit son nouveau siège en face du palais royal, devenue icône de l’architecture contemporaine. A l’expo au Civa, on voit une maquette de la flèche du Génie civil et trois autres du pavillon Philips de Le Corbusier.
Un beau voyage au cœur de l’aventure architecturale.
--> "Trésors d’architecture", au Civa, rue de l’Ermitage 55, Bruxelles, jusqu’au 19 avril, fermé le lundi.