"Les grands noms ne se font qu’en Orient", disait-on à Portaels

Expo-dossier au musée des Beaux-Arts sur "Portaels et l’Orient".

Expo-dossier au musée des Beaux-Arts sur "Portaels et l’Orient".
"Les grands noms ne se font qu’en Orient", disait-on à Portaels

On oublie parfois que nos musées fédéraux ont aussi une tâche scientifique. Si, dans quinze jours, le musée des Beaux-Arts de Bruxelles ouvrira une grande expo "blockbuster" sur Chagall, il a aussi une autre mission, plus pointue et austère, d’étudier des pans méconnus de l’histoire de l’art. Un aspect qui donne lieu à des thèses et qu’il ne faudrait pas un jour sacrifier à l’austérité (le musée devra déjà postposer pour raisons budgétaires des expos prévues sur Khnopff et la photo et sur George Minne).

On peut en découvrir un exemple avec l’expo-dossier sur "Portaels et l’appel de l’Orient" (1841-1847), développée dans le musée Fin-de-siècle par le chercheur Davy Depelchin, qui prépare une thèse de doctorat sur l’orientalisme en Belgique, un courant du XIXe siècle qui revient en force.

Jean Portaels (1818-1895) est un peintre bien connu, dont les œuvres se retrouvent dans beaucoup de musées du monde mais qui est surtout célèbre comme ayant été le prof à l’Académie de Bruxelles et à l’Atelier libre qu’il avait ouvert, de noms aussi célèbres qu’Ensor, van Rysselberghe et Léon Frédéric. Ensor, qu’on sait souvent langue de vipère, a souligné l’estime qu’il avait pour ce maître.

Mais, pour le reste, ce peintre reste méconnu.

Faire du neuf

Le musée des Beaux-Arts s’attache à l’épisode clé de "L’appel de l’Orient". Jean Portaels habitait Vilvorde et suivit une formation classique et académique auprès de François-Joseph Navez, lui-même proche de Jacques-Louis David. L’heure était aux grands tableaux historiques de Paul Delaroche.

Portaels n’était pas désireux de bouger. Il écrivait : "Sois persuadé que si je suivais mon désir, je ne quitterais jamais Vilvorde, mais dans ce monde, on fait très peu ce que l’on veut."

Son oncle, Corneille Portaels, lui répétait cependant la phrase prêtée à Bonaparte : "Les grands noms ne se font qu’en Orient". Plus tard, nombre d’artistes, de Delacroix à Paul Klee, appliquèrent ce principe et furent éblouis par l’Orient.

Le neveu retint la leçon. Remportant le prix de Rome, il part plus loin et commence le Grand Tour : Turquie, Liban, Terre sainte, Jérusalem. Ramenant des centaines de dessins, croquis et peintures (y compris des commandes de sultans locaux).

L’expo au musée des Beaux-Arts se centre sur cette période et les croquis, dessins et peintures de voyages. D’autant que le musée vient d’acquérir encore 28 dessins de Portaels.

Le voyage fut pour le jeune artiste l’occasion de s’ouvrir l’esprit, de découvrir l’étrangeté de l’Autre, sa beauté, dans le pur courant orientaliste.

Le résultat est encore fort classique, mais sans doute Portaels a-t-il appris durant ce voyage à ouvrir son horizon, à oser le neuf, ce qui lui permettra de faire évoluer son art et de devenir ce professeur loué par Ensor. Avec une belle candeur, il écrit à ses parents inquiets, quand il a 27 ans, que la première raison qui fit de son voyage un succès est "de faire un peu du neuf, c’est la seule condition d’avoir du succès" .

Expo-dossier au musée des Beaux-Arts sur "Portaels et l’Orient".

"Portaels et l’appel de l’Orient", musée des Beaux-Arts, jusqu’au 31 mai

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