Au cœur des ténèbres avec Michaël Matthys

Michaël Matthys revisite le livre célèbre de Joseph Conrad. Des images coloniales sous la loupe d’un dessinateur très actuel.

Roger Pierre Turine
Au cœur des ténèbres avec Michaël Matthys

Michaël Matthys revisite le livre célèbre de Joseph Conrad. Des images coloniales sous la loupe d’un dessinateur très actuel.Michaël Matthys prépare un nouveau livre, "Nuits sombres", à paraître aux Editions Fremok en 2016. Des éditions qui font confiance aux jeunes loups du dessin belge, à la fois bédéistes et plasticiens. Chez Fremok, Matthys a précédemment publié "Moloch" et, surtout, "Ville rouge", une suite de planches consacrées à sa ville natale, Charleroi. Trait enlevé mais toujours acéré, crayon, pastel ou sang de bœuf posé sans retenue sur le papier fort, l’artiste brosse à grands coups de serpe des images qui ne se voilent jamais la face, vont à l’abordage de nos inquiétudes.

Se souvenant, comme tout Belge, d’avoir eu de la famille dans le Congo de Léopold II et de ses successeurs, l’artiste, après avoir lu les rapports cinglants, accablants, qu’au début du XXe siècle y signèrent un Conan Doyle dans "Le crime du Congo belge" ou un Conrad dans "Au cœur des ténèbres", l’artiste interroge l’Histoire. Ses dessins ne rigolent pas, ne pleurent pas non plus. Ils expriment simplement des vérités à décrypter entre folklore et réalité trop longtemps tue. La Belgique ne fut certes pas la seule tortionnaire d’une Afrique qui regorgeait de matières premières.

Clichés et images

Au cœur des ténèbres avec Michaël Matthys
©Michael Matthys

Les auteurs anglais auraient pu regarder dans leur assiette avant de tirer à l’aveugle ! Il n’empêche… Le caoutchouc recueilli au péril de bien des vies, la chicotte au nom de la sainte loi de la civilisation, les vols et les viols…

Michaël Matthys ne juge rien, il dessine. Et ses dessins brossent une histoire de la vie à la mort, de la joie festive à l’écœurement, sous l’œil impavide d’autochtones résignés ou d’un puissant gorille. Paysages forestiers et scènes villageoises, danses des Blancs et danses des Noirs, chefs coutumiers et directeurs territoriaux, palmiers, tam-tam et pirogues. Il y a tout cela dans des dessins, petits et grands (conçus expressément pour l’exposition), rivalisant d’ardeur et de questionnement.

Sur une table, négligemment posés, des objets familiaux (albums de photos, gazelle en bois, guerrier en ivoire, le "Congo" de David Van Reybroeck, celui de Doyle, de faux fétiches et le "Congo" de Neyt pour le Musée du Quai Branly) agrémentent ce petit parcours colonial d’un fumet de contestation sauvage. 35 projets de dessins pour le livre à paraître, une suite de grands dessins balafrés d’énergies, deux des planches déjà réalisées : le compte est bon et Michaël Matthys, bien soutenu par Jacques Cerami, nous invite à le suivre dans une aventure ciblée 2016.

A l’Eté 78, à Bruxelles. Jusqu’au 14 mars, sur rendez-vous. Infos : www.ete78.com.

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