A Moscou, Jan Vanriet rend vie aux déportés d’Auschwitz
Invité au Musée juif, le peintre anversois émeut et crée l’événement.
Publié le 13-02-2015 à 17h49
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/36DC245BVFEQPKEWOIEVWGL34A.jpg)
La date du vernissage de l’exposition personnelle du peintre anversois Jan Vanriet (1948) au Musée Juif et centre de la Tolérance à Moscou n’avait pas été fixée par hasard. Le 27 mars correspondait à la libération par l’Armée Rouge du camp d’extermination nazi à Auschwitz-Birkenau. La date anniversaire de la fin de la tragédie la plus effroyable que le monde ait connue. A cette occasion, le musée et l’exposition furent visités en privé par le Président Poutine. Dans ce contexte l’exposition de Jan Vanriet a donc été particulièrement remarquée et appréciée, d’autant plus que la presse russe l’a couverte très abondamment tel un véritable événement.
Inauguré en 2012, déployé sur 8000 m², retraçant toute l’histoire du judaïsme, le Jewish Museum and Tolerance Center Moscow, est le plus important du monde. Implanté dans un bâtiment construit en 1926 par Konstantin Melnikov, il fut restauré et aménagé par l’homme d’affaire et collectionneur russe Roman Abramovich qui inaugurera prochainement à Moscou un nouveau bâtiment signé Rem Koolhaas, extension de son fameux centre d’art De Garage. Dans un espace conçu spécialement pour l’exposition par l’architecte Sergei Tchoban, Jan Vanriet expose "Losing Face", une quarantaine d’œuvres dont 36 portraits de déportés juifs qui ont séjourné à la caserne Dossin à Malines avant d’entreprendre le voyage sans retour.
Un accordéon et des visages
Inspiré d’une peinture de Jan Vanriet, représentant l’accordéon de son oncle transformé en usine camouflant un camp d’extermination, le dispositif scénique de l’exposition renforce le propos de l’artiste tant il isole le lieu, conduit inévitablement vers l’endroit où la vie est confisquée et oblige le regard à croiser, à l’aller comme au retour, les visages des déportés. Pour Jan Vanriet, peindre ces visages choisis de manière quasi affective, "par sympathie naturelle" parmi les milliers de photographies de détenus de la caserne Dossin, revient à leur rendre les couleurs de la vie. Chaque portrait, respectueux mais libre en son interprétation picturale de la personne, vivante bien qu’un peu pâlotte, présente et absente, est à la fois un hommage, une rencontre, un essai, nous dit l’artiste, "de percer le caractère en un questionnement : quel chemin aurait suivi cet être humain s’il n’avait pas été tué ?".
Chemin de vie
A l’extérieur de la structure, une seule grande toile, sombre, plutôt nocturne, un champ de cailloux, comme ceux que l’on dépose sur certaines tombes juives. Le silence. Le respect des morts. Sur les parois grises de la structure dans les plis des soufflets de l’accordéon, des prénoms égrenés. Le silence et l’absence. De l’autre côté de la paroi, invisibles de l’extérieur, les visages peints. A l’intérieur, de face, sur la route du retour, deux grandes peintures d’enfants, plus poignantes que jamais et aussi, paradoxalement apaisées et attirantes comme un chemin de vie.
Jan Vanriet, "Losing Face", The Jewish Museum and Tolerance Center, Moscou. Jusqu’au 1er mars. Catalogue en anglais et en russe.
Jan Vanriet, "Vanity", Galerie Roberto Polo, Bruxelles. Jusqu’au 19 avril. Voir Arts Libre du 13.02.15.