Première exposition historique de la Fondation Vuitton : les icônes du XXe siècle réunies
Attention, chefs-d’œuvre à la pelle; attention, icônes de l’art. La Fondation Vuitton a frappé fort et bien, dans son grand bateau de verre signé Frank Gehry, avec sa première exposition "historique" : "Les clefs d’une passion".
- Publié le 31-03-2015 à 18h19
- Mis à jour le 01-04-2015 à 11h28
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Il ne faut pas manquer la première exposition historique de la Fondation Vuitton.Attention, chefs-d’œuvre à la pelle; attention, icônes de l’art. La Fondation Vuitton a frappé fort et bien, dans son grand bateau de verre signé Frank Gehry, avec sa première exposition "historique" : "Les clefs d’une passion".
L’exposition ne compte que 60 œuvres, mais toutes ont marqué la première moitié du XXe siècle et furent des moments charnières dans l’histoire de la modernité. Ce furent des créations d’artistes ayant à un moment, "cassé les règles, créé des œuvres singulières par leur altérité irréductible qui demeure encore aujourd’hui", résume Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation et co-commissaire de cette exposition.
On y retrouve par exemple, "Le Cri" de Munch et "La Danse" de Matisse, deux œuvres qui jamais ne sortent de leurs musées d’Oslo et de Saint-Pétersbourg.
Une figure sans visage
L’exposition est divisée en quatre thèmes transversaux qui sont aussi ceux de la collection contemporaine de la Fondation Vuitton (et de Bernard Arnault).
La première salle est soufflante, marquée par "l’expressionnisme subjectif". Dans un coffre-fort de verre, "Le Cri", tête comme un masque à la bouche béante, aux yeux sans pupille, peint en tons fantomatiques faisant écho aux lignes sinueuses du paysage. Deux Francis Bacon disent tout de la condition humaine, avec, à nouveau, la bouche comme un trou et un corps qui disparaît derrière le voile (de la mort ?).

Giacometti a peint des portraits de Jean Genet qui disait : "Il n’est à la beauté d’autre origine que la blessure, singulière pour chacun, cachée ou invisible." Il y a un grand Malevitch des années 30 avec une figure sans visage. Et l’accrochage prévoit des surprises pour beaucoup comme les cinq autoportraits de la peintre finlandaise Helene Schjerfbeck, montrant le processus de son vieillissement et l’approche de la mort.

La contemplation
On change totalement d’atmosphère avec le chapitre de la "contemplation". Avec un très grand et magnifique Rothko venu de Los Angeles (photo ci-dessous), des Mondrian audacieux, les trois tableaux iconiques du suprématisme de Malevitch (carré, rond et croix, noires). On reste subjugué par les paysages sublimes, cosmiques et méditatifs de Nolde, Monet (Nymphéas de la fin), Ferdinand Hodler et les quatre versions du lac Keitele d’Akseli Gallen-Kallela, inconnu pour la plupart, mais dont ce lac est devenu en quelques années l’œuvre la plus vendue en carte postale de la National Gallery de Londres.

Il faudrait tout citer, comme cette salle consacrée au plaisir pur avec "L’été" de Bonnard (ci-dessous) et une déclinaison tout en sensualité des portraits de la très jeune Marie-Thérèse Walter par son amant Picasso, de 28 ans plus âgé qu’elle.

La force de LVMH
Les salles suivantes tissent moins de correspondances entre les œuvres, mais ne manquent pas d’audace avec ce face-à-face entre trois formidables Fernand Léger et une série très pop avant la lettre, de Picabia, sur les femmes et leur érotisme.
Dans la salle sur la musique, deux magnifiques Matisse : "La danse" de 1909 et, à côté, de même taille, la gouache découpée de 1952, "La tristesse du roi". En face, des Kandinsky, quand l’artiste abandonna toute référence pour composer comme la musique.

On reste stupéfait que la Fondation ait pu rassembler tant de chefs-d’œuvre de 40 grands musées du monde. Cela prouve la puissance de LVMH, le groupe de luxe de Bernard Arnault, qui par son énorme mécénat d’expos dans ces musées peut obtenir bien des prêts en "compensation".
Ne boudons pas ce plaisir. On connaît ces œuvres, mais souvent sur photos uniquement, à moins d’être un globe-trotter. Or, voir l’original c’est entrer en communion avec le tableau, en empathie. C’est capter en soi un peu du génie de l’artiste, ouvrir des questions métaphysiques, sentir la jouissance de la beauté ou la consolation du sublime.
Inépuisable et bouleversant
L’expo et le catalogue, où chaque tableau est étudié par un spécialiste de l’artiste, sont une manière de réfléchir à ce qu’est une icône de l’art.
Choisissez quelques œuvres et restez longuement devant elles. Van Gogh resta une semaine devant "La Fiancée juive" de Rembrandt. Thomas Bernhard raconte dans "Maîtres anciens" l’histoire d’un homme qui est venu chaque matin pendant 35 ans devant le même tableau du Tintoret. C’est cela le propre d’un chef-d’œuvre, d’être inépuisable et de nous "bouleverser". Même si on peut discuter les choix faits, il y en a comme cela à cette exposition…
"Les Clefs d’une passion", Fondation Vuitton (métro ligne 1, station Sablons), jusqu’au 6 juillet. Paris est à 1h20 de Bruxelles avec le Thalys, 25 trajets par jour.