Une passion pour Le Caravage
Le musée Jacquemart-André rend hommage au génie de Roberto Longhi et à ses goûts.
- Publié le 26-04-2015 à 17h12
- Mis à jour le 27-04-2015 à 06h41
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Le riche musée Jacquemart-André, sur le boulevard Haussmann, nous gratifie régulièrement d’expositions thématiques originales, bénéficiant d’apports de riches collections privées. Cette fois, c’est un vrai parcours dans la peinture italienne de la Renaissance et du Baroque à travers la figure de Roberto Longhi (1889-1970).
L’annonce de Manet et de Cézanne
Cet Italien né dans le Piémont, fut un grand ami du peintre Morandi et le professeur et ami de Pasolini, mais on le connaît surtout comme un des plus grands experts de l’art italien. Il soutint sa thèse sur Le Caravage dont il fut le plus grand spécialiste. On raconte qu’il parvenait même à attribuer - avec justesse - des œuvres au Caravage à l’instinct, comme le Saint-Jean-Baptiste du musée de Kansas City qu’il authentifia comme un Caravage plusieurs années avant que les archives du peintre ne corroborent cette attribution.
Il s’intéressa aussi, en leur redonnant toute leur place, aux peintres du Trecento et du Quattrocento italien, Giotto et Piero della Francesca en particulier. Ses thèses étaient hardies, voyant par exemple, dans le colorisme de Piero della Francesca l’annonce de Manet et de Cézanne. Il pouvait ainsi embrasser toute l’histoire de l’art occidental dans sa réflexion.
Il s’intéressa aussi aux écoles moins connues d’Italie comme celle de Ferrare avec son maître, si original, Cosmè Tura, avec ses peintures si expressives, métaphoriques et ses couleurs intenses et énergiques.
135 tableaux
Pour lui rendre hommage et donner à voir un chapitre si important de la critique artistique, le Jacquemart-André a rassemblé 135 tableaux venus pour une part, de la collection personnelle de Roberto Longhi et appartenant à la Fondation qu’il a créée à Florence et pour le reste provenant des prêts, par de nombreux musées, d’œuvres qui furent étudiées par Longhi.
On admire trois Caravage, certes pas les majeurs, mais par exemple, une version du célèbre "Garçon mordu par un lézard" où Caravage le peint au moment où il est saisi de surprise.
On présente le diptyque attribué à Giotto venu de l’abbaye royale de Chaalis, avec Saint-Jean et Saint-Laurent, un beau Piero della Francesca venu de l’Accademia de Venise. Un Masaccio de Florence (une maternité avec un enfant Jésus rieur) et un beau Cosmè Tura à la bizarrerie assumée prêtée par le musée d’Ajaccio.
Le caravagisme
A côté, l’expo accorde de la place au si vaste mouvement caravagesque qui était né quand le maître était encore vivant et que Longhi étudia en profondeur. A tous ces peintres fascinés par l’usage du clair-obscur et la vérité humaine du Caravage. De nombreux Italiens comme Bartolomeo Manfredi, mais aussi des étrangers venus à Rome, attirés par Le Caravage, comme le Hollandais Matthias Stom et l’Espagnol Ribera qui accentuera encore le caravagisme en lui donnant une plus grande brutalité.
"Le caravagisme, souligne Mina Gregori, présidente de la Fondation Roberto Longhi, c’est la découverte de la réalité. Il voulait peindre les gens de la rue, pas ceux des palais. Grâce à Roberto Longhi, on a découvert d’autres dimensions qu’on ne connaissait pas, ou peut-être qu’on méprisait, parce que ce n’était pas le classicisme, l’idéalisation. Il a compris aussi que ce n’était pas suffisant de regarder le passé avec la tradition, mais qu’il fallait le confronter avec l’art du XXe siècle, notamment l’impressionnisme."
"De Giotto à Caravage, les passions de Roberto Longhi", musée Jacquemart- André, jusqu’au 20 juillet. Avec Thalys, Paris est à 1h20 de Bruxelles, 25 trajets par jour.
Les bas-fonds du baroque
Petit Palais. On visitera avec plaisir, en parallèle, l’étonnante exposition proposée par le Petit Palais, sur les bas-fonds de Rome à l’époque baroque. C’est l’envers du décor fastueux qu’on connaît, de la Rome fastueuse de l’âge baroque tout au service du pouvoir triomphal des Papes. C’est ci, la Rome des vices, des mauvais garçons, des excès, du jeu, de la prostitution à ciel ouvert, des rixes, des beuveries, des gueux des bas quartiers. L’expo ouvre les portes des tavernes, là où on mendie, s’enivre, triche. Alors que les autorités en ce début du début du XVIIe siècle, essaient de freiner cette anarchie, celle-ci fascine les artistes, y compris les peintres étrangers venus à Rome pour y trouver les traces de l’Antiquité mais qui fréquentaient ces "mauvais quartiers". On se souvient que Le Caravage lui-même dû fuir Rome pour Naples après avoir été condamné à mort pour avoir blessé à mort son adversaire dans une rixe. L’exposition présente 70 grands tableaux peints à Rome par des artistes italiens, français, hollandais, flamands, allemands et espagnols, de Simon Vouet à Claude Lorrain, de Bartolomeo Manfredi à Valentin de Boulogne et Jusepe de Ribera, des peintres qu’on voit souvent aussi à l’exposition du musée Jacquemart-André, mais dans un tout autre contexte. Le tout mis en scène dans une belle scénographie. Tout un monde de musiciens, de buveurs et de tricheurs, de courtisanes et de diseuses de bonne aventure…
"Les bas-fonds du baroque, la Rome du vice et de la misère", Petit Palais jusqu’au 24 mai.