Ces masques géants qui nous regardent
Superbe exposition au musée BELvue de masques géants du Congo.
Publié le 18-05-2015 à 17h17 - Mis à jour le 19-05-2015 à 13h19
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On a beau connaître et aimer depuis longtemps le musée de l’Afrique centrale à Tervuren, sa richesse continue à nous stupéfier. En attendant sa réouverture mi-2017, rénové et agrandi, on découvre ainsi une petite mais magnifique exposition au musée BELvue, à côté du Palais royal à Bruxelles.
Toutes les pièces exposées viennent d’un fonds riche et méconnu des missionnaires jésuites qui furent présents en RDC, au Sud-Ouest du pays (les différentes missions s’étaient partagé le territoire).
Les jésuites débarquèrent au Congo dès le XVIe siècle avec les Portugais. Mais leur mission commença vraiment en 1893 après la conférence de Berlin, quand le Congo était encore propriété privée du Roi. Essentiellement, de la fin des années 1910 jusqu’en 1950, les jésuites récoltèrent plus de 4 000 objets ethnographiques, et souvent les commentèrent. Ces prêtres avaient appris les langues locales, étudiaient les religions et coutumes. Et ils envoyaient au musée de Tervuren les pièces acquises, discutant d’égal à égal avec les scientifiques du musée. Leurs collections étaient conservées au musée de missiologie d’Heverlee près de Louvain, jusqu’en 1998, quand les jésuites les confièrent en prêt à Tervuren. Ces pièces ont été acquises de multiples manières : objets de cérémonie devenus sans valeur religieuse, pièces refaites pour être vendues, etc.
Initiation des garçons
Au début de l’expo, son commissaire, Julien Volper, rappelle ce que fut cette mission jésuite. Une salle montre des objets de différentes ethnies de la région, joints à des documents et livres d’époque. Comme cette figure étonnante d’une femme en train d’accoucher avec la tête du bébé sortant entre les jambes, ou cette figure Pende qui servait à débusquer les sorciers. Quand les Pende se révoltèrent contre les Belges, on s’empara par sécurité (!) de ces fétiches.
L’essentiel de l’expo est lié au Mukanda et au Kakuungu, les rites de circoncision et d’initiation chez les tribus Yaka et Suku. Dans une salle, on admire dans une grande vitrine plus de vingt grands masques Mukanda : des têtes sculptées, souvent avec une trompe d’éléphant, portant parfois un pangolin ou un cochon et entourées d’une vraie collerette de paille. Ils nous fixent de manière étrange. Ces masques étaient portés par les garçons à la fin de leur initiation (qui pouvait durer un an) à l’écart de la communauté.
Ils y étaient préparés à tous les aspects de la vie adulte. Souffrant de privations et de brimades, ils apprenaient à chasser, recevaient une éducation sexuelle et s’exerçaient à danser avec les masques. Le retour au village se faisant par des danses masquées. Dans le "n-khanda", le danseur masqué s’identifiait aux ancêtres et à leur force vitale, assurant la fécondité au jeune danseur.
Des masques pour effrayer
La salle suivante crée la même stupéfaction : plus de vingt masques immenses, rarissimes, nous regardent. Ce sont les masques les plus importants de ces rites Yaka et Suku. Appelés "Kakuungu", ils étaient portés par le "grand prêtre", les initiateurs les plus importants, et étaient destinés à effrayer : traits exagérés, joues grossies, longs cils. Porter ces masques avait aussi un effet protecteur : contre les pluies ou les hémorragies liées à la circoncision.
Une petite expo, mais qui démontre, par sa beauté, que Tervuren est un des musées ethnographiques les plus riches du monde. Vivement 2017.
Musée BELvue, place des Palais, 7 à Bruxelles, jusqu’au 8 novembre, du lundi au vendredi de 9h30 à 17h et le sam. et dim., en juillet et août, de 10h à 18h. Entrée gratuite.