Le grand art de la copie

Passionnante exposition à Venise sur les multiples copies des chefs-d’œuvre antiques.

Guy Duplat, Envoyé spécial à Venise
Le grand art de la copie

Avec Warhol et Duchamp, l’art du XXe siècle a créé la "série" et la "copie", suscitant un débat toujours en cours : une copie signée Warhol reste-t-elle un Warhol ? Mais le phénomène de la copie artistique n’est pas neuf comme le montre la passionnante et originale exposition de la Fondazione Prada à Venise.

Le beau Palazzo Ca’ Corner della Regina ouvert par Prada en 2011 et aménagé par Rem Koolhaas est devenu coutumier d’expositions étonnantes comme "L’art multiplié" avec Duchamp et, en 2013, la reprise à l’identique de l’expo la plus mythique de ces dernières années : "Quand les attitudes deviennent forme", montrée par Harald Szeemann (1933-2005) à la Kunsthalle de Berne en 1969.

Salvatore Settis, le commissaire de cette exposition intitulée "Portable Classic" a recherché dans les plus grands musées du monde les copies réalisées depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle des chefs-d’œuvre de la sculpture grecque et romaine. Il les présente dans les salles somptueuses du Palazzo, en séries, de tailles et de matériaux très différents. On y trouve aussi de magnifiques tableaux montrant des collectionneurs de la Renaissance tenant en mains ces copies de sculptures, peints par Lorenzo Lotto et le Tintoret.

Un effet saisissant

L’effet est saisissant dès la grande salle à l’étage : une série de huit Hercule Farnèse est alignée depuis une copie de 3,17 m de haut jusqu’à un petit Hercule de 15 cm seulement. Quand le pape Paul III découvrit l’original dans les années 1540 dans les bains de Caracalla, cet Hercule de trois mètres fut immédiatement une des œuvres les plus admirées dont chaque riche voulait une copie (la photo n’existait pas). Les plus grands sculpteurs du XVIe au XVIIIe siècle en firent des copies de toutes tailles, en bronze, marbre, porcelaine, terre cuite, etc. Cet Hercule romain était lui-même la copie d’un Hercule grec qu’on a perdu et qui fut sculpté en 320 av. J.-C. par Lysippe.

De nombreux autres exemples sont montrés. Tout un ensemble de Vénus accroupies, copiées les unes sur les autres, dont une exquise Vénus au bain en cristal de roche de 8,6 cm et une autre en bronze, toutes deux datant de l’Antiquité. On y trouve, venue du musée de Naples, la magnifique Vénus enlevant sa sandale en marbre avec un "bikini" d’or peint sur son corps. Une œuvre copiée ensuite de multiples fois. Des séries de Mercure, de Marsyas, de groupes de Laocoon, d’architectures antiques, sont ainsi présentées, des copies (est-ce encore une copie quand elle est si belle ?) provenant des plus grands musées, du Louvre au Metropolitan.

A Milan aussi

L’expo se poursuit à Milan, avec "Serial Classic" ou la copie des maîtres grecs, pratiquée déjà par tous les grands artistes de la Renaissance. Elle y est montrée dans le tout nouveau bâtiment de la Fondation Prada dirigée par Miuccia Prada et Patrizio Bertelli, installé dans une ancienne distillerie de 1910, au Largo Isarco, au sud de Milan, qui a été réaménagée par l’architecte Rem Koolhaas et son bureau OMA, avec une surface de 19 000 m² dont 11 000 m² pour les expos diverses. II y a en plus deux espaces singuliers : un lieu pour les enfants créé par les étudiants de l’Ecole l’architecture de Versailles et un bar imaginé par le réalisateur américain Wes Anderson, l’auteur de "The Grand Budapest Hotel" qui y recrée l’atmosphère des vieux cafés milanais.

Les anciens bâtiments d’origine (bureaux, labos, entrepôts) sont conservés, mais Rem Koolhaas y ajoute une tour et un cinéma-auditorium. On y trouve aussi une programmation cinéma débutant par Roman Polanski. Le sculpteur américain Robert Gober et le photographe allemand Thomas Demand y ont créé des installations en dialogue avec l’architecture.

Portable Classic, Ca’ Corner della Regina. De 10 à 21 heures, fermé mardi. Jusqu’au 13 septembre.

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