Le filtre des images d’art visuel en Chine
Une exposition bruxelloise chez Paris-Beijing regroupe une trentaine d’œuvres d’artistes chinois, photos et vidéos, censurées en Chine entre 1997 et aujourd’hui.
Publié le 29-05-2015 à 05h39 - Mis à jour le 29-05-2015 à 14h50
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Le pays est en pleine expansion. Il est d’ailleurs l’un des rares à afficher une croissance qui fait envie au monde. Le pays s’est ouvert au consumérisme à l’occidental, avec frénésie. Le régime, toujours communiste, accueille à bras ouverts les plus grandes multinationales, fruits juteux du capitalisme galopant.
Le pays a vu croitre en un temps record le nombre de grandes fortunes. Il est de notoriété publique qu’un milieu dit maffieux orchestre une grande partie des affaires les plus rentables. Le pays s’est largement ouvert à l’art moderne et contemporain au point de rivaliser avec les États-Unis pour occuper la première place du marché des ventes publiques. Le pays a vu s’ouvrir des centres d’art contemporain et des galeries d’art actuel souvent d’origine étrangère. Les foires d’art ont pris pied et prospèrent. Quelques artistes chinois modernes et contemporains comptent parmi les plus chers du monde. L’art chinois actuel s’exporte partout et les meilleures institutions en sont friandes. Tout est donc bien dans ce pays du made in China envahissant. Presque tout. Car Ai Weiwei l’un des artistes les plus réputés au monde y est confiné, surveillé, sans pouvoir sortir du territoire. Et il n’est pas le seul ! Heureusement pour lui ses œuvres se fabriquent à l’extérieur et s’exposent partout. Sans qu’il ne les voie. Sauf en images. Presque tout. Car la censure limite drastiquement la liberté d’expression visuelle (entre autres) et les contrevenants risquent la prison. Presque tout. Car les libertés individuelles sont contingentées.
La traque aux images
On se doit d’être de bon compte. La Chine n’est pas le seul pays à censurer la monstration de certaines œuvres d’art. La pratique existe presque partout, y compris en Occident. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mouvement s’amplifie. Par prudence ! Une exposition se tient actuellement à la galerie Paris-Beijing à Bruxelles. Une galerie qui sait de quoi elle parle car elle travaille presque exclusivement avec des artistes chinois. Elle a rassemblé une trentaine d’œuvres, des photos et des vidéos, qui ont été censurées en Chine des années nonante à aujourd’hui. Aucune d’entre elles n’est et ne serait objet d’interdiction chez nous où le sujet le plus sensible est absent dans l’Empire du Milieu. La religion est en effet remplacée par le Parti. Intouchable ! En Chine, la censure touche essentiellement trois domaines : le moral, le politique, l’esthétique. Ils sont, on en conviendra, largement interprétables. Donc élastiques. Les autorités visent principalement tout ce qui est considéré comme une atteinte au Parti (des idées aux comportements, des personnes aux symboles…), le porno, l’obscénité, y compris le nu, le sexe et la sexualité. La traque aux images y est constante.
Le vécu photographique
L’exposition qui rassemble des œuvres d’une petite vingtaine d’artistes, comprend des photographies et des vidéos, y compris des films d’animation. Pourquoi cette double cible prioritairement ? Sans aucun doute parce que ce sont des images qui montrent le vivant et qui sont censées présenter la réalité d’un vécu. Parce qu’elles mettent en scènes des personnes. Même si on sait que ce sont des fictions, des montages, des trucages, leur impact est beaucoup plus direct que celui d’une peinture ou d’une sculpture. Et il existe une interprétation au premier degré avec intention claire. Cependant les films d’animation n’échappent pas à la vindicte. Sans doute à cause du mouvement, si proche de la vie !