Markus Lüpertz, la peinture dithyrambique
Une vaste rétrospective du grand peintre allemand Markus Lüpertz, à Paris.
Publié le 29-05-2015 à 17h01 - Mis à jour le 31-05-2015 à 08h48
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Une vaste rétrospective du grand peintre allemand Markus Lüpertz, à Paris. A 74 ans, le grand peintre et sculpteur allemand Markus Lüpertz garde un look de dandy décadent. Nous l’avons vu un jour dans un musée allemand affublé d’un étonnant costume de cuir bavarois. Il est venu à la vaste rétrospective que lui consacre le musée d’Art moderne de Paris habillé d’un costume trois pièces, pochette déployée, grosses bagues aux doigts et canne au pommeau d’argent. Surnommé "le prince des peintres", il aime les propos égocentriques. Quand on lui demande qui de Gerhard Richter, Georg Baselitz ou lui est le plus grand peintre allemand de l’après-guerre, il répond en souriant : "Baselitz est le plus grand mais le génie c’est moi."
On aurait tort de n’y voir que falbalas, Lüpertz est un grand tourmenté qui toute sa vie aura bataillé dans son atelier avec la peinture (plus tard avec la sculpture), pour mieux affronter l’histoire allemande et l’histoire de l’art.
Casques allemands
La rétrospective parisienne parcourt son œuvre en sens inverse de sa chronologie partant de ses séries les plus récentes jusqu’aux plus anciennes.
Lüpertz est né en 1941 dans une ville de Bohème mais a vite déménagé à Berlin puis Karlsruhe. Avec les peintres Penck, Immendorff et Baselitz, il crée un nouvel expressionnisme allemand, loin de l’abstraction et du pop art américain. Il retourne à sa manière à la tradition de la peinture.
Au début des années 60, il emprunte à Nietzsche l’idée de "peinture dithyrambique" : il prend un fragment du réel et l’amplifie jusqu’à obtenir un grand tableau entre figuration et abstraction. En simplifiant les formes et agrandissant les détails, il invente des motifs frappants. Il part parfois de symboles guerriers comme le casque allemand pour en faire des signes quasi abstraits mais visibles d’une idéologie meurtrière. Comme Anselm Kiefer, Baselitz et Immendorff, Lüpertz estime qu’un artiste allemand ne peut faire l’impasse sur une réflexion à propos du nazisme. En associant des détails guerriers à des objets neutres, il crée une tension entre contenu et contenant, générant un trouble, celui de la présence entêtante et obscène du nazisme dans le paysage d’après-guerre.
Il reviendra en 1992 sur la guerre dans de magnifiques tableaux monumentaux dénonçant la barbarie qui revenait en ex-Yougoslavie et dans le Golfe.
Contre la peur
Dans les années 80, Lüpertz s’intéressa aux grandes figures de l’art comme Poussin, Goya et Courbet, utilisant le fragment et le replaçant dans un contexte nouveau. L’artiste veut alors rechercher les origines de l’art, retrouver une sorte d’innocence de la peinture et démontrer le caractère insubmersible du passé. Cette démarche de retourner au classique mais dans une forme très contemporaine continue jusqu’aujourd’hui avec ses "Arcadies", de clarté, sensualité et joie. "Je peins contre la peur, nous vivons dans un monde où la peur fait partie du quotidien" , disait-il récemment au "Monde".
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 19 juillet. Avec Thalys, Paris est à 1h20 de Bruxelles. 25 trajets par jour.