Brillant doublé muséal en Flandre pour Lili Dujourie

Itinéraires croisés à Gand et à Ostende dans l’œuvre polyvalente d’une grande artiste.

Claude Lorent
Brillant doublé muséal en Flandre pour Lili Dujourie

Deux des plus importants musées d’art contemporain de Flandre, Le S.M.A.K. de Gand et le Mu.ZEE d’Ostende rendent un hommage mérité à Lili Dujourie. Née en 1941, cette artiste gantoise voit son œuvre célébrée au plan international tant en Europe qu’à Mexico ou dans les Emirats arabes. Un bout de ciel bleu bien mérité et sans nuage pour celle qui, sans une malencontreuse intervention politique, aurait dû représenter la Belgique à la Biennale de Venise en 2013 !

Son doublé actuel, bel exemple à suivre de collaboration entre deux institutions nordiques, retrace brillamment et avec efficacité, en croisements et complémentarités de vision, l’itinéraire d’une plasticienne qui se focalise autant sur l’humain que sur l’art.

Emotion maîtrisée et austérité

L’importance de son art se mesure à l’aune d’un trajet autant marqué par son temps que par une ligne de conduite personnelle économe, polyvalente et un brin sévère.

Hormis une série de pastels repris dans les collections de Gand, l’œuvre de Lili Dujourie est marquée en ses débuts, fin des années soixante, par des sculptures en métal d’une sobriété quasi ascétique, caractéristique qui se retrouvera tout au long de son parcours en diverses déclinaisons.

Cette forme de sévérité, voire de froideur corrigée parfois par l’apport chromatique (voir les collages de papiers déchirés), rejoint constamment un très haut degré d’exigence présent tant dans la conception que dans la réalisation. A aucun moment ne se manifeste le moindre débordement et si l’émotion perce parfois, c’est en sourdine et dans l’intériorité des sentiments éprouvés. Bien que conceptuel, son art, dès les sculptures initiales, est marqué par la rigueur formelle et l’économie des moyens engagés. Même lorsqu’elle met remarquablement en scène le corps humain en son aspect physique et en sa nudité, y compris érotique, elle le fait avec une efficacité distanciée. Un style qui célèbre tant la féminité, notamment à travers de superbes autoportraits dont un duo en couleurs, que la masculinité en des poses multiples, en noir et blanc, d’une sculpturalité d’ordre et de puissance classiques.

Infiltrer l’art et la vie

Passant du métal à la vidéo et à la photo, Lili Dujourie équilibre ses intérêts entre, en un versant, l’insertion dans l’art de son temps marqué par le minimalisme, en autre attention, la vie et le temps qui s’écoulent inexorablement. Suggérée par quelques collages d’images déchirées séparées par de grands blancs pour un récit imaginaire ou par des vidéos en temps réel de paysages marins ou de présences humaines, la temporalité est constamment à l’œuvre et rythme la vie dans un soupçon de nostalgie dès le présent. Et les nombreuses allusions au miroir ne sont pas à négliger !

La lenteur des actions force à prendre conscience de ce temps compté qu’elle remonte à travers des évocations théâtralisées puisées dans l’art pictural ancien aux couleurs voluptueuses.

Des tissus de velours somptueux composés en décors sculpturaux contrastent avec le noir et blanc de drapés en terre cuite. Quant à ses sculptures les plus récentes, ("Méandre") mouvements circulaires en papier-mâché du "Financial Times" où se niche la couleur, ce sont des tourbillons redoutables (ceux de la finance actuelle) enfermant des trésors éclatants.

Lili Dujourie, "Folds in Time (Plis du temps)". S.M.A.K., Jan Hoetplein, 1, 9000 Gand et Mu.ZEE, Romestraat, 11, 8400 Ostende. Jusqu’au 4 octobre. De 10h à 18h, fermé le lundi.

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