Les racines d’une modernité future
"Atopolis", à Mons 2015, examine en récits, fictions, images, les paradoxes humains d’aujourd’hui.
Publié le 12-06-2015 à 17h27 - Mis à jour le 13-06-2015 à 08h34
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La première grande exposition internationale d’art contemporain de Mons 2015 porte un nom, "Atopolis", qui résonne comme une utopie inconnue dont on devine seulement qu’elle se réfère à la ville et donc au vivre ensemble. Partant, à n’importe quelle ville de n’importe où. Partant, aux hommes et aux femmes du monde dans le contexte de leur histoire et de la globalisation actuelle (Meschac Gaba). Partant aux petits bonheurs potentiels (Vincen Beeckman) et surtout aux dysfonctionnements qui font souffrir une humanité qui semble quelque peu perdue entre promesses de bien-être moderne et déchirures tragiques.
Une mélancolie entre futur et passé
Les artistes rassemblés par les deux commissaires du Wiels, Charlotte Friling et Dirk Snauwaert, ont été choisis pour leurs affinités avec les théories d’Edouard Glissant (1928, Martinique - 2011, Paris), ethnologue, écrivain, fondateur notamment de l’Institut du "Tout-Monde" qui a pour objectif les développements de "la pratique culturelle et sociale des créolisations" et prône une poétique de la Relation aux niveaux humains, sociaux et naturels. C’est donc une forme d’humanisme qui est à l’ordre de cette expo qui examine en récits, fictions, images, les comportements humains qui font de la planète Terre ce qu’elle est aujourd’hui.
"Il s’agit, dit Dirk Snauwaert, en se basant sur la région de Mons-Borinage,d’une mélancolie du futur d’une région imprégnée d’une mélancolie du passé."Un portrait local (Vincen Beeckman) qui en fait parle d’universalité.
Monde en mutation
Les 23 artistes de notoriété internationale (voir LLB du 11 juin), belges et étrangers, apportent tous un regard critique et analytique sur l’ici et maintenant d’un monde en profonde mutation économique aux conséquences sociales et humaines paradoxales. Leur examen autant que leurs propositions, en fictions, récits, projections plus ou moins utopiques, en expériences de refondement de la pensée et des actes apparaissent comme des témoignages personnels appelant à une révision profonde des rouages économiques et politiques, voire idéologiques, qui gouvernent le monde actuel (Thomas Hirschhorn).
L’avancée des modernités dans tous les domaines, l’explosion des communications à l’ère de la révolution numérique (Walead Beshty), transforment les mentalités et redessinent un monde virtuellement sans frontières mais où les inégalités humaines et sociales sont plus criantes que jamais. Les guerres, les déplacements massifs volontaires ou pas de populations (Francis Alÿs), les nouveaux pouvoirs et les résistances (Diego Tonus), les drames de l’immigration (Viassis Caniaris) et l’exploitation déraisonnable des ressources (Yto Barrada), le consumérisme (El Anatsui) voire les glissements des valeurs de référence (Benoit Platéus) sont autant de sujets abordés qui reformulent en creux une idéologie moderniste factice (Danai Anesiadou) paradoxalement souvent en panne d’humanité.
Eveilleurs de consciences
Dans ces optiques et perspectives communes, les artistes agissent en éveilleurs de consciences qui pratiquent l’arrêt sur situations par images, installations, vidéos… et qui, freinant une vitesse d’évolution du monde jamais atteinte, montrent un présent sans fard et réactivent une mémoire oublieuse. Ces exemples, racines profondes du passé, ont construit notre aujourd’hui et rappellent surtout les imports et richesses de l’autre (Vincent Meessen), les métissages séculaires (Huma Bhabha), les valeurs populaires (Abraham Cruzvillegas).
Tous disent que notre identité est hybride et que nous sommes héritiers des autres.
"Atopolis", Manège de Sury, 4 rue des Droits de l’Homme, 7000 Mons. Jusqu’au 18 octobre. Du mardi au dimanche de 12 à 18h. Infos : www.mons2015.be