Les belles images d’Aldo Crommelynck

La Louvière accueille les estampes du maître-graveur qui a œuvré avec les plus grands.

Roger Pierre Turine
Les belles images d’Aldo Crommelynck
©Succession Picasso 2014

La manne est magique, qui se déploie sur deux étages tonifiés par une foule de couleurs, lignes et formes ! Cent cinquante estampes – gravures à l’eau-forte, aquatintes, vernis mous, lithographies, pointes sèches – signées par de célèbres artistes du XX e siècle, Aldo Crommelynck (1931-2008) n’a pas chômé sur la voie d’un succès qui lui vaut la réputation d’avoir été le graveur de quelques-uns des plus fameux créateurs de son siècle.

Entreprenant, il aura su convaincre des géants de s’adonner à cet art du multiple, essentiel pour la divulgation plus populaire d’une œuvre, mais pris à bras-le-corps par des artistes amoureux des techniques et diversités créatrices. Après nous avoir conviés à découvrir les états de fait d’un autre imprimeur majeur, Franck Bordas, Catherine de Braekeleer et Marie Van Bosterhaut explorent l’univers éclectique dont s’entoura un homme adoubé par le dessin et l’image qu’il véhicule.

Deux frères, deux combats

L’Atelier Crommelynck c’était, au départ, celui de deux frères, Aldo, qui dessinait “comme un dieu” et Piero, fils de Fernand Crommelynck, auteur belge d’un titre fameux, “Le Cocu magnifique”.

Aldo, le plus sensible, s’occupa d’imprimer, quand Piero gérait l’administration de l’entreprise. Puis, ce fut la scission comme dans les meilleurs ménages et Aldo poursuivit sa route seul avec deux ateliers, l’un à Paris, l’autre à New York. Ce dernier pour imprimer sur place les travaux d’Américains convaincus par les chefs-d’œuvre que le magicien avait réalisés avec Picasso.

Les belles images d’Aldo Crommelynck
©Succession Picasso 2014

Picasso, fer de lance Requis par Picasso, Aldo fut le maître-graveur du Minotaure durant les dix dernières années de vie du plus sûr levier de l’art du XX e siècle. Il avait installé un atelier à deux pas de la propriété de Pablo, à Mougins.

Le fonds proposé à nos convoitises oculaires provient de la Bibliothèque nationale de France, à Paris, où l’exposition fut d’abord montrée. Mais si elle passa ensuite par le musée Soulages à Rodez, c’est à La Louvière qu’elle se déploie le plus largement. Les vastes espaces du Centre de la gravure lui sont un bel écrin largement ouvert qui permet à la diversité des planches de s’égayer de concert sans jamais s’apostropher.

Le parcours a de quoi réjouir les plus difficiles. Fruit d’une donation d’Aldo Crommelynck à la BNF, le pactole est riche et varié et si Picasso s’y octroie, comme de juste, le cœur de l’aventure et une salle d’un rouge qui sied au torero, les autres ont de sacrées belles lettres de noblesse à exhiber.

De Picasso à Jasper Johns Peu importe le libellé du parcours. Tous les intervenants sont grands et l’erreur serait de ne pas voir dans l’ensemble même le don d’un homme, Aldo Crommelynck, pour l’image qui touche et va au fond des possibilités techniques.

Aux “Ménines” et portraits d’hommes, explicites, de Picasso répondent le cœur à vif de Jim Dine, qu’entourent Kitaj, Hockney, Red Grooms ou Hamilton et, plus loin, Européens comme Américains de mèche, Penck, Braque, Rouan, Miró ou Le Corbusier et, en face, Condo, Brown, Flavin, Oldenburg et, prime assurément, la seule gravure jamais réalisée par Basquiat flanquée de son dessin original. C’est Byzance à La Louvière ou peu s’en faut!

-> Centre de la gravure, 10, rue des Amours, La Louvière. Catalogue. Jusqu’au 6 septembre. Infos : 064.27.87.27 et www.centredelagravure.be

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