La genèse d’une Figuration libre
Une exposition historique sur les débuts tonitruants de Combas et consorts.
Publié le 26-07-2015 à 18h14 - Mis à jour le 27-07-2015 à 06h47
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Le Musée Paul Valéry de Sète leur rend un hommage vibrant. Vibrant et musclé, parce que les toiles d’énergumènes en veine d’audaces pour que l’esprit de ’68 ne s’enlise à son tour dans le conformisme, étaient de francs morceaux de bravoure.
C’est l’historique de leurs débuts, brosses et couleurs en fers de lance, que raconte et évalue par la bande un ensemble des peintures slogans d’un groupuscule artistique flambant neuf. Hiver 1981, Ben, leur aîné à tous, évaluait, dans "Libé", ce mouvement plus anar que gauchiste : "30 % provocation anti-culture, 30 % figuration libre, 30 % art brut, 10 % de folie. Le tout donne quelque chose de nouveau." Et Sète salue ses hérauts, puisque Robert Combas et les frères Hervé et Richard Di Rosa y vécurent leur enfanc et adolescence.
Entre 1977 et 1984, les compagnons de la Figuration libre s’en sont donné à cœur joie, persiflant dans la démesure et les outrances criardes, accrochant l’œil par des images à l’aveugle qui préfiguraient celles des premiers "graffeurs".
Ils avaient 20 ans
Auteurs d’un art déjanté, d’une poésie sans balise, se jouant des principes et des préceptes, ces "grognards" d’un temps nouveau pourfendaient ce qui ressemblait de près ou de loin à une culture du prêt-à-porter. Ils avaient vingt ans et leurs peintures giclaient en feux d’artifice.
Parvenue à réunir l’essentiel de ce sang neuf à ses débuts, Maïthé Vallès-Bled, directrice du musée et commissaire général de cet accrochage trublion, réussit la gageure de nous en mettre plein la vue. Et non seulement plein la vue, mais aussi de la réflexion plein tube, car il apparaît vite que cette révolution plastique avait un sens et un côté salubrité publique. Haro sur les frilosités et les académismes avant-gardistes !
De Combas à Basquiat
C’est d’un nouveau langage qu’il est question en cet art qui balaie, d’un coup sec, bon goût et belles manières, atomise codes, dogmes et conventions. Et ne se contenta pas de s’asseoir sur des succès hexagonaux. La Figuration libre initiée par Combas, Di Rosa et leurs pairs s’assura des retombées outre-Atlantique.
La première expo des artilleurs eut lieu en 1981, à Paris, à l’invitation du critique Bernard Lamarche-Vadel. Elle s’intitulait, coup de semonce aux habitudes, "Finir en beauté". Y participèrent : Robert Combas et Hervé Di Rosa, François Boisrond et Rémi Blanchard. Quatre mousquetaires pour un duel à coups mouchetés avec l’art en odeur de sainteté.
Historique, l’expo sétoise nous entraîne à la suite des avancées successives de ces récalcitrants aux ukases administratives et politiques. Parfois, d’autres artistes, simplement figuratifs, les rejoignirent et le panorama se conclut sur l’expo de l’Arc (Musée d’Art moderne de la Ville de Paris) en 1984. A l’entrée du musée sétois, un mur d’images précède quelques premières toiles de Combas, telle "Les garçons de la plage et la pin-up blonde", acrylique sur tissu de 1980. De Di Rosa, comme "Une vie agréable", bédé de 1978-79.
En avant la zizique !
Les influences pop, rock, bédé, sexistes, primitivistes ou d’art brut sont manifestes, éclatent dans la diversité et le foisonnement des images. On y décèle une immense liberté de peindre et de choquer, assortie d’images fulgurantes, parfois sans queue ni tête.
Cet inventaire d’une époque d’affirmation à l’encontre des arts établis ne trompe pas une autre réalité : cette liberté, tellement attachante et virile, s’émousse avec le temps quand ces artistes novateurs se retrouvent piégés par une écriture qui leur ressemble toujours davantage et se meut en signature.
Si les mousquetaires furent solidaires et divers dans leur quête éperdue, si d’autres encore s’y adjoignirent en cours de route, tels Alberola et "Le désenchantement de Suzanne", toile de 1982, ou le magnifique Jean-Charles Blais avec, de 1982 aussi, une huile sur affiches arrachées, Combas en fut et reste le porte-drapeau, Di Rosa en demeurant l’électron totalement libre, en veine constante de nouvelles aventures.
En fin de course, la rencontre avec Warhol, Basquiat, Keith Haring ouvrait d’autres perspectives, renouvelle images et sujets. De beaux exemples attisent les jubilations, apothéose d’un passionnant parcours.Roger Pierre Turine
Musée Paul Valéry, 34 200 Sète. Jusqu’au 15 novembre. Gros et beau catalogue de 300 pages couleur (Editions Midi-Pyrénéennes). Infos : 04.99.04.76.16 et www.museepaulvalery-sete.fr