Agnès b., la singularité d’une collection introspective

Au LaM de Villeneuve d’Ascq, les choix d’art contemporain d’une styliste.

Claude Laurent à Villeneuve d’Ascq
Agnès b., la singularité d’une collection introspective

Si les Basquiat, Bourgeois, Cocteau, On Kawara, Warhol et quelques autres gravitent régulièrement dans les hautes sphères de l’art contemporain, il faut être drôlement féru de cet art pour connaître par contre les Harmony Korine, Fabio Viscogliosi et autres Anastasia Benchamma ou Jehson Baak. Et ce n’est donc pas le moindre des mérites d’Agnès b. (1941, vit à Paris) de nous les faire découvrir à travers un choix d’œuvres de sa collection. Mais le plus surprenant peut-être proviendra d’œuvres aux signatures prestigieuses. Car la styliste collectionneuse les sélectionne hors des repères habituels. Ni une araignée de Bourgeois, ni un portrait sérigraphié de Warhol ! De toute évidence, ce n’est point le nom référentiel qui l’intéresse mais une œuvre particulière (ou une série) de l’artiste. Une œuvre qui lui parle, qui l’émeut, qui évoque, qui produit de la pensée, qui fait voir. On se situe ici aux antipodes de tant de collections actuelles qui accumulent les clichés mondialisés d’un art image ou gadget. Pas de Koons, pas de Murakami, pas de McCarthy ou Mike Kelley, mais du Filiou, du Blais, du Pettibon, du Verna et même des anonymes ! Et c’est excellent.

Une identité plurielle

Dans ces conditions une visite de l’expo devient un privilège car on entre dans l’univers mental et sensible de la collectionneuse par le biais de visuels qui ne font pas seulement images. Ce sont autant de portes ouvertes sur une introspection d’une personnalité célèbre qui voyage dans l’univers artistique pour se nourrir intellectuellement, esthétiquement, humainement, psychologiquement, affectivement, au contact des autres, les artistes. L’organisation même de l’expo qui traite de thèmes particuliers selon les salles, est à cet égard significatif des intérêts majeurs d’Agnès b. (b comme Bourgeois - Christian -, éditeur et premier mari). On a le sentiment que cette femme qui ne fut pas seulement styliste, également galeriste, cinéaste, éditrice…, curieuse de son environnement culturel et humain, établit une relation d’intimité avec les œuvres qu’elle choisit tant chacune apparaît comme un questionnement et un enrichissement personnel afin de comprendre l’entourage et de pénétrer la vie au plus profond de ses arcanes, de ses réalités, de ses mystères, de ses inconnues. Et les œuvres forment ainsi une identité forcément plurielle, ouverte sur l’altérité, sur le monde, sur les cultures.

Dialogue vital

Parcourir l’exposition revient donc à rencontrer la personne et à dialoguer à travers ce qui la touche et la concerne. On est accueilli par le "Dansez !" de Claude Lévêque et par le poème "Life is beautiful" de Filliou. Un ton qui est un peu comme un hymne que l’on modulera au fil des salles, la première étant consacrée à l’enfance, la jeunesse et l’émerveillement (sculpture d’Othoniel). En compagnie de Cocteau, d’On Kawara (I’m still alive), d’Alvarez Bravo et autres, évocation du rêve, de l’érotisme, de la vie et de la mort. Suivent les fantômes de Korine, de Guibert, de Sade; le ciné d’Agnès b., les réminiscences musicales underground (Lou Reed) et les Basquiat, avant de rejoindre les hommages à Bouabré et à Jean Fournier (galeriste) ainsi que quelques ponctuations (Reip, Gilbert George, Brassaï) insérées dans la collection muséale. Un parcours vital fourmillant de résonances culturelles.

---> "Un regard sur la collection d’Agnès b." LaM, 1, allée du Musée, à Villeneuve d’Ascq (France). Jusqu’au 23 août. Infos : http://www.musees-dunkerque.eu

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